Plongée dans l’évolution adaptative des poissons clowns

Résultats scientifiques Développement, évolution

Derrière la relation bien connue, au sein des récifs coralliens, entre les poissons-clowns et leurs anémones-hôtes, se cache une dynamique évolutive bien plus complexe. En étudiant 14 espèces, des scientifiques révèlent, dans une étude publiée dans Current Biology, que les aspects morphologiques, physiologiques et comportementaux doivent être pris en compte pour comprendre les mécanismes fins à l’origine de leur diversification.

Les poissons clowns, bien plus que de simples locataires de leur anémone-hôte.

Les radiations évolutives sont des phénomènes où une même lignée d’animaux ou de plantes donne naissance à plusieurs espèces différentes, chacun s’adaptant à un environnement ou à un mode de vie particulier. C’est un mécanisme clé pour comprendre l’origine de la biodiversité.

Les poissons clowns du genre Amphiprion, emblèmes des récifs coralliens, sont souvent cités comme un exemple classique de ce phénomène. Leur relation étroite avec les anémones de mer, qui les protègent des prédateurs, est depuis longtemps considéré comme le déclencheur clé de leur diversification.

Mais une récente étude publiée dans la revue Current Biology, apporte un nouvel éclairage. Des scientifiques ont étudié en détail 14 espèces de poissons-clowns, soit la moitié des espèces connues. Ils ont combiné plusieurs méthodes : observation en milieu naturel, tests de nage en laboratoire, simulations numériques et analyses de la forme et du fonctionnement du corps à l’aide de scanner 3D. 

La spéciation des poissons clowns revisitée.

Leurs résultats montrent qu’il existe différents « profils écologiques » chez les poissons clowns définis par leur capacité de nage, leur métabolisme et leur dépendance comportementale vis-à-vis des anémones.

Résultat marquant : ces différences ne s’expliquent pas, comme on le pensait,  simplement par le degré de spécialisation à une anémone. En réalité chaque espèce semble suivre une stratégie de vie propre, et certaines formes physiques similaires sont apparues chez des espèces éloignées les unes des autres. Cela démontre que ces formes ont évoluées plusieurs fois de manière indépendante, guidées par les mêmes pressions de l’environnement, un phénomène appelé convergence évolutive.

Cette étude remet donc en question l’idée simple selon certaines espèces seraient des « spécialistes » et d’autres des « généralistes ». Elle indique également que pour vraiment comprendre l’évolution, il faut étudier en détail les caractéristiques fonctionnelles des organismes, c’est-à-dire la façon dont leur corps et leur comportement s’adaptent à leur mode de vie.

Les poissons-clowns, souvent étudiés pour leur comportement social ou leur relation mutualiste, deviennent ici un nouveau modèle pour l’étude des radiations adaptatives marines. Ce travail souligne la nécessité d’approches intégratives pour comprendre les mécanismes fins à l’origine de la diversité biologique.

© Manon Mercader

Figure : Cette figure illustre comment les poissons-clowns (ont évolué vers différents « profils écologiques », indépendamment du type d’anémone avec lequel ils vivent. Le graphique du haut montre 14 espèces classées selon leur morphologie et leurs performances de nage : à gauche du graphique, les espèces plutôt sédentaires, aux muscles peu développés et dépendantes de leur anémone ; à droite, les espèces plus actives, capables de s’aventurer loin de leur hôte. Entre les deux, des profils intermédiaires suggèrent que cette diversité forme un continuum.
En bas, les chercheurs ont placé ces « profils écologiques » sur l’arbre évolutif des poissons-clowns. Résultat : des espèces éloignées dans l’évolution ont parfois développé des traits similaires, preuve d’une convergence évolutive. D’autres, comme A. percula, se distinguent fortement de leurs plus proches cousines, malgré des apparences semblables. Cette figure révèle que la manière de nager des poissons-clowns a évolué selon plusieurs chemins indépendants, montrant que leur diversité ne s’explique pas seulement par le choix de leur anémone-hôte, mais aussi par leur comportement et leurs capacités physiques.

En savoir plus : Mercader M, Ziadi-Künzli F, Olivieri S, Komoto S, Rosti ME, Frédérich B, Laudet V. Integrative phenotyping reveals new insights into the anemonefish adaptive radiation. Curr Biol. 2025 Jul 21;35(14):3473-3487.e4. doi: 10.1016/j.cub.2025.06.041. Epub 2025 Jul 10. PMID: 40645173. 

Contact

Manon Mercader
Chercheur post-doctoral

Laboratoire

Eco-Evo-Devo of Coral Reef Fishes Life Cycle - EARLY (CNRS/Okinawa Institute of Science and Technology)
1919-1 Tancha
Onna-son 904-0416
Okinawa 
Japon

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