Quand la bactérie responsable de la tuberculose fabrique son propre poison

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Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la tuberculose, produit des paires de poison-antidote, appelées « Toxine-Antitoxine », qui lui permettent de contrôler sa croissance et de s’adapter aux agressions. Dans un article publié dans Nucleic Acids Research, des scientifiques ont identifié une de ces toxines qui bloque la production des protéines, provoquant ainsi la mort du bacille. Stimuler l’activité de cette toxine pourrait permettre de mieux lutter contre certaines souches bactériennes multirésistantes aux antibiotiques.

Comprendre la tuberculose pour mieux la combattre

La tuberculose est la première cause de mortalité due à un seul agent infectieux : la bactérie Mycobacterium tuberculosis (M. tuberculosis). Cette dernière affecte principalement les poumons et se transmet d'une personne à l'autre par voie aérienne. Elle peut persister longtemps dans l’organisme sous une forme dormante, non réplicative et résistante aux médicaments :  la tuberculose latente. 

L’émergence de souches multirésistantes et ultrarésistantes aux antibiotiques a accru le besoin d'identifier de nouvelles cibles et des stratégies de traitement innovantes pour développer de nouveaux médicaments. 

M. tuberculosis possède un nombre remarquablement élevé de petits modules génétiques à deux composants appelés systèmes de Toxine-Antitoxine (TA), soit près de 90. Ces systèmes sont composés d'une toxine délétère et d'une antitoxine qui inhibe son activité et joue le rôle d'antidote. En conditions normales, l’antitoxine neutralise la toxine. Mais en situation de stress, l'inhibition par l'antitoxine est levée : les toxines deviennent actives et ciblent des processus vitaux tels que la synthèse des protéines (traduction), la réplication, le métabolisme ou la formation de la paroi cellulaire, entraînant une inhibition de la croissance ou la mort du bacille. 

Si certains de ces systèmes participent à la virulence et à la persistance du bacille, leur rôle exact chez M. tuberculosis reste encore mal compris. Néanmoins, la puissance toxique de certaines de ces molécules laisse entrevoir un potentiel thérapeutique inédit, soit comme nouvelle cible pour la recherche médicamenteuse, soit comme agent antimicrobien direct. 

De nouvelles pistes grâce à la toxine ReIE

Dans un article publié dans la revue Nucleic Acids Research, des scientifiques révèlent une activité remarquable au sein de certaines toxines de la famille ReIE. Ces toxines bloquent la fabrication des protéines, un processus vital pour la survie de la bactérie. Elles s’attaquent directement au ribosome, la « machine » cellulaire qui assemble les protéines à partir des instructions contenues dans l’ADN. Concrètement, elles coupent une petite portion d’un composant du ribosome (l’ARN ribosomique), ce qui empêche celui-ci de se fixer correctement sur les molécules d’ARN messager, les « plans » utilisés pour fabriquer les protéines. Sans cette étape, la bactérie ne peut plus produire les protéines dont elle a besoin pour croître ou se reproduire.

Cette avancée ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques : stimuler l’activité de la toxine ReIE pourrait permettre de combattre la bactérie et contrer sa résistance croissante aux antibiotiques. 

© Xue HAN et Pierre GENEVAUX

Figure : Inhibition de la traduction par la toxine RelE1 chez le bacille de la Tuberculose.

En savoir plus : Han X, Beck IN, Mansour M, Arrowsmith TJ, Barriot R, Chansigaud P, Pagès C, Hamze H, Akarsu H, Falquet L, Redder P, Xu X, Blower TR, Genevaux P. Ribonuclease toxin RelE1 inhibits growth of Mycobacterium tuberculosis through specific cleavage of the ribosomal anti-Shine-Dalgarno region. Nucleic Acids Res. 2025 Nov 13;53(21):gkaf1070. doi: 10.1093/nar/gkaf1070. PMID: 41242526.

Contact

Pierre Genevaux
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Laboratoire de microbiologie et de génétique moléculaires – LMGM (CNRS/Université de Toulouse)
Centre de biologie intégrative – CBI 
118 route de Narbonne
Toulouse