Une signature moléculaire pour une meilleure prise en charge des cancers

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

Dans un travail publié dans la revue Cancer Research Communications, les scientifiques décrivent une signature moléculaire associée aux propriétés des cellules souches prédisposées au cancer. Ce biomarqueur discrimine les tissus sains des tissus transformés pour un grand nombre de tumeurs, identifie des patients de mauvais pronostic à un stade précoce de la maladie et prédit l'efficacité thérapeutique.

De nos jours le traitement des cancers s’est amélioré de façon impressionnante. Cependant, il reste crucial de pouvoir évaluer précisément au moment du diagnostic le temps de survie attendu et de prédire la réponse aux traitements et d’améliorer ainsi la prise en charge thérapeutique.

Les cancers du sein hormonaux dépendants, également appelés ER positifs (ER pour Estrogen Receptor), représentent 80% des cas. À ce jour, il existe très peu de modèles cellulaires permettant d’étudier les phases initiales de ce cancer. Les scientifiques ont pu montrer précédemment l’existence d’un mécanisme de transformation des cellules souches adultes du sein par la mobilisation d’une voie de signalisation embryonnaire (appelée voie des BMP). Les cellules souches, bien qu'elles ne possèdent pas initialement le récepteur de l'estrogène majoritaire, peuvent produire ce récepteur et devenir sensibles à l'estrogène lorsqu'elles subissent un processus de transformation par la voie des BMP, ce qui peut conduire à la formation de cancers ER positifs.

Une carte d’identité des cellules souches prédisposées au cancer

En se basant sur ces observations, les scientifiques ont fabriqué de nouveaux modèles d’études à partir de cellules souches du sein. L’utilisation de ces modèles uniques de cellules souches avant et dans les premiers stades de transformation cancéreuse a permis de découvrir une signature moléculaire associée à un marqueur présent à la surface de cellules souches de nombreux tissus et appelé CD10.

Cette carte d’identité moléculaire, qui forme ce que l’on appelle l’index ENI10 est liée aux propriétés des cellules souches prédisposées au cancer (prénéoplasiques). Il constitue ainsi un outil puissant pour une discrimination précoce entre les tissus sains et les tissus transformés. Les scientifiques ont identifié un lien entre ENI10 et les mécanismes contrôlant la répartition équitable des chromosomes entre les deux cellules filles lors de la division cellulaire. ENI10 pourrait ainsi révéler des cellules avec des propriétés particulières d’une part dans un processus caractéristique des cellules souches, la division asymétrique, et d’autre part dans le maintien de la stabilité génomique. Ces fonctions sont toutes les deux impliquées dans les processus de transformation et de résistance aux traitements.

Cet outil innovant aidera au développement de nouveaux médicaments et d'outil de prévention

En raison de son lien avec les propriétés des cellules souches, les scientifiques montrent que ENI10 constitue un moyen unique d'évaluer l'efficacité des nouvelles thérapies en cours de développement pour un grand nombre de tumeurs. ENI10 permets d'identifier des patients de mauvais pronostic à un grade ou un stade très bas de la maladie. ENI10 pourra ainsi servir à guider le choix de stratégies thérapeutiques efficaces, évaluer la maladie résiduelle et le suivi pour identifier les personnes présentant un risque accru de progression, par exemple en cas d'exposition à des facteurs environnementaux tels les bisphénols, les plastiques ou autres. Cet outil innovant aidera au développement de nouveaux médicaments et d'outil de prévention en identifiant des personnes à risque plus élevé de développer la maladie.  ENI10 permettra un meilleur suivi et une détection plus précoce.

En conclusion ENI10 permettra une gestion clinique précoce et optimisée de certains des cancers les plus graves, quel que soit le stade d'évolution. Cela répond à un besoin persistant d'outils robustes, simples et polyvalents pour mettre en place une médecine de précision.

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© Véronique Maguer-Satta, Boris Guyot, CRCL UMR5286, LYON
Figure : Perspectives sur l’utilisation de l’index ENI10 dans un contexte clinique.
De gauche à droite, le transcriptome d’une biopsie de tissus prédisposés à la transformation ou tumoraux est utilisé pour extraire le profil d’expression des gènes constituant l’index ENI10. L’index ENI10 de la biopsie est comparé à ceux de cohortes associant données transcriptomique et réponses cliniques pour différents stades de la transformation tumorale. La valeur relative de l’index ENI10 permet alors par exemple de détecter un stade pré-tumoral, d’identifier des patients considérés à bas risques suivant d’autres critères avec un pronostic de survie défavorable, de prédire la réponse à un traitement donné ou de suivre une maladie résiduelle après traitement.

En savoir plus : 
Guyot B, Clément F, Drouet Y, Schmidt X, Lefort S, Delay E, Treilleux I, Foy JP, Jeanpierre S, Thomas E, Kielbassa J, Tonon L, Zhu HH, Saintigny P, Gao WQ, de la Fouchardiere A, Tirode F, Viari A, Blay JY, Maguer-Satta V. An Early Neoplasia Index (ENI10), Based on Molecular Identity of CD10 Cells and Associated Stemness Biomarkers, is a Predictor of Patient Outcome in Many Cancers. Cancer Res Commun. 2023 Sep 29;3(9):1966-1980. doi: 10.1158/2767-9764.CRC-23-0196.

Contact

Véronique Maguer-Satta
DR1 CNRS

Laboratoire

Centre de recherche en cancérologie de Lyon - CRCL (CNRS/Centre anticancéreux Léon Bérard/Inserm/Université Claude Bernard)
Centre Léon Bérard
28 rue Laënnec
69008 LYON - France