Une nouvelle catégorie de jonctions cellulaires dans l’intestin

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Les jonctions cellulaires sont indispensables à l’intégrité des epithelia, qui couvrent la plupart de nos organes. Dans un article publié dans la revue PNAS, les scientifiques révèlent l’existence d’une nouvelle catégorie de jonctions cellulaires. Celles-ci se mettent en place dans les cellules matures. Cette découverte remet en cause l’organisation décrite depuis plus de 40 ans et permet d’envisager une nouvelle approche dans la compréhension du fonctionnement de ces epithelia.

Les cellules épithéliales couvrent la surface de la plupart de nos organes en un tapis de cellules. L’intestin par exemple est recouvert de cellules dont la plupart absorbe les nutriments que nous ingérons. Ces cellules sont jointes entre elles par trois types de jonctions qui coexistent et assurent différentes fonctions, allant de la filtration sélective de certains ions au maintien mécanique du tapis épithélial. Ces jonctions, la jonction serrée, la jonction adhérente, aussi nommée zonula adherens, et les desmosomes, ont été découvertes dans les années 60 et leurs éléments constitutifs ainsi que leur organisation ont été proposés aux cours des années 80 et 90, formant les connaissances de base des étudiants en biologie encore aujourd’hui ! La jonction adhérente en particulier est établie comme étant organisée en une ceinture de protéines d’adhésion ancrées à la membrane, les cadhérines, et supportées par des filaments, les filaments d’actine. Cette jonction a un rôle mécanique important dans la cellule, en impactant par exemple la forme de la cellule.

Une nouvelle catégorie de jonctions cellulaires pour mieux comprendre l’adhésion et la mécanique des cellules épithéliales
 

En observant la jonction adhérente de cellules épithéliales obtenues à partir de biopsies intestinales humaines, ou de cellules humaines en culture par une méthode de microscopie optique plus résolue que celle des techniques traditionnelles, les scientifiques ont fait une découverte très surprenante. Dans les cellules immatures, la jonction suit bien le modèle établi, mais dans les cellules matures qui couvrent les villosités intestinales, la jonction adhérente est en réalité formée de deux ceintures de protéines adhérentes différentes : une ceinture contient bien des cadhérines, mais l’autre ceinture en est totalement dépourvue et contient un autre type de protéines d’adhésion, les nectines.

Autre surprise, les filaments de support ne sont pas proches de la ceinture de cadhérines, mais de celles de nectines, indiquant que le support mécanique dans les jonctions adhérentes est probablement pris en charge par les nectines plutôt que les cadhérines, bouleversant une croyance de plus de 40 ans. En référence à la nomenclature établie, les auteurs nomment cette nouvelle organisation la zonula adherens matura.

Ces résultats sont importants pour mieux comprendre l’adhésion et la mécanique des cellules épithéliales. Ces deux caractéristiques essentielles des épithélia sont notamment affectées lors des cancers d’origine épithéliale, qui représentent 80% à 90% des cancers actuels.

figure
© Pierre Mangeol
Figure : Modèles des jonctions des cellules intestinales matures et immatures.

En savoir plus : 
The zonula adherens matura redefines the apical junction of intestinal epithelia. Pierre Mangeol, Dominique Massey-Harroche, Michael Sebbagh, Fabrice Richard, André Le Bivic, and Pierre-François Lenne. February 20, 2024. PNAS.https://doi.org/10.1073/pnas.231672212

Contact

Pierre Mangeol
Enseignant-chercheur Aix-Marseille Université

Laboratoire

Institut de biologie du développement de Marseille - IBDM (CNRS/ Aix-Marseille Université)
Parc Scientifique de Luminy
13288 Marseille Cedex 9 - France