Une bactérie pour dépolluer des effluents radioactifs

Résultats scientifiques Microbiologie

Le radium 226 et le strontium 90 sont des isotopes radioactifs potentiellement néfastes pour la santé et l’environnement. Ils sont difficiles à dépolluer car ils se comportent comme le calcium, un élément très abondant qui sature rapidement les dispositifs de dépollution. Une étude publiée dans ES&T montre qu’une bactérie photosynthétique piège très efficacement ces isotopes même dans des eaux riches en calcium. Elle pourra inspirer de nouvelles stratégies de dépollution d’effluents contaminés.

Le calcium (Ca), le radium (Ra) et le strontium (Sr) sont trois éléments chimiques regroupés au sein de la famille des alcalino-terreux. Ils présentent ainsi des propriétés chimiques analogues et se comportent de façon similaire dans les systèmes biologiques. Le Ca est un élément abondant à la surface de la Terre et parfois essentiel pour les organismes vivants, comme par exemple pour la formation de notre squelette. Au contraire, les isotopes 90 du Sr et 226 du Ra, sont radioactifs et toxiques. Ils peuvent être toxiques même à de faibles concentration dans l’environnement, car ils ont tendance à s’accumuler le long de la chaine alimentaire et sont retenus efficacement dans les os.  Il existe différentes approches visant à extraire ces isotopes radioactifs depuis l’environnement pour pouvoir ensuite les stocker à l’écart, le temps qu’ils décroissent radioactivement pendant plusieurs centaines (pour le 90Sr) à plusieurs milliers d’années (pour le 226Ra). Cependant, l’efficacité de ces méthodes physico-chimiques est limitée en pratique par la grande abondance d’autres éléments chimiques comme le Ca, même dans les environnements pollués. Les pièges, pas assez discriminant entre le Ca, le 90Sr et le 226Ra saturent ainsi rapidement et deviennent inopérant.

Récemment, les chercheurs ont cultivé Gloeomargarita lithophora, une cyanobactérie qui forme des granules intracellulaires carbonatés, en présence de traces de 226Ra ou de 90Sr et d’un million de fois plus de Ca. Cette bactérie a été identifiée dans de nombreux environnements naturels à travers le monde. En mesurant l’évolution temporelle des doses de rayonnements g et b émises par le 226Ra et le 90Sr, respectivement dans la fraction soluble et dans la fraction cellulaire des cultures, ils ont montré que plus de 99% des radionucléides sont piégés par les cellules en moins d’une heure et ce malgré la présence d’un large excès de Ca. En comparaison, la quasi- totalité des radionucléides restait en solution en l'absence de Gloeomargarita lithophora ou lorsque des cellules d’une autre espèce de cyanobactérie étaient ajoutées. Cette efficacité de piégeage serait le résultat d’une étonnante capacité de Gloeomargarita lithophora à incorporer le Sr et le Ra préférentiellement au Ca. De plus, l’accumulation de quantités relativement importantes d’isotopes radioactifs au sein même des cellules ne semble pas altérer cette capacité. Les chercheurs souhaitent désormais développer un procédé qui permettra d’utiliser cette bactérie pour dépolluer des eaux environnementales polluées de manière efficace et économique.

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© Karim Benzerara & Stefan Borensztajn

Figure : Image colorisée en microscopie électronique à balayage d’une cellule (gris) de Gloeomargarita lithophora contenant des inclusions intracellulaires (grains clairs/jaunes) de carbonate de calcium.

Pour en savoir plus :

Sequestration of Radionuclides Radium-226 and Strontium-90 by Cyanobacteria Forming Intracellular Calcium Carbonates.

Mehta N, Benzerara K, Kocar BD, Chapon V.
Environ Sci Technol. 2019 Nov 5;53(21):12639-12647. doi: 10.1021/acs.est.9b03982. Epub 2019 Oct 23.
https://www.nature.com/articles/d41586-019-03087-1

Contact

Karim Benzerara
Chercheur CNRS à l'Institut de minéralogie, physique des matériaux et cosmochimie (IMPMC)

Laboratoires

Institut de minéralogie, physique des matériaux et cosmochimie (IMPMC) - (CNRS/Sorbonne Université/Muséum National d’Histoire Naturelle)
4 Place Jussieu 75005 Paris