Une avancée majeure dans le contrôle du traitement des eaux usées

Résultats scientifiques Microbiologie

Dans un article publié dans la revue Nature Ecology and Evolution, les scientifiques ont développé une nouvelle approche pour anticiper la dynamique des communautés microbiennes dans le traitement biologique des eaux usées. Cette avancée pourra améliorer l’efficacité du traitement des eaux usées tout en réduisant les coûts et l’impact environnemental.

Le traitement biologique des eaux usées, basée sur l'assimilation ou l'oxydation par la biomasse microbienne de la matière organique et des nutriments pour l’épuration de l’eau, est le processus biotechnologique le plus utilisé sur notre planète, et est essentiel à la santé humaine et environnementale. Cependant, le processus lui-même subit constamment des perturbations et la qualité du traitement des eaux est parfois difficile à maintenir sur de longues périodes. Il existe donc un besoin de prédire le comportement et l’expression génique des populations microbiennes qui forment le microbiote de ce système, afin de mieux contrôler le processus et d’améliorer l’ingénierie des stations d’épuration. Dans un article publié dans la revue Nature Ecology et Evolution, les scientifiques présentent une nouvelle approche de modélisation qui permet de prédire le comportement de ces communautés microbiennes jusqu’à trois ans dans le futur.

Les principaux moteurs de la communauté microbienne
 

Pour leurs travaux, les scientifiques ont exploité une collection d'échantillons recueillis de façon hebdomadaire pendant treize mois dans une station d’épuration municipale du Luxembourg (mars 2011- mai 2012). Ils ont ensuite généré un large éventail de données moléculaires à haute résolution (« méta-omiques ») sur chaque échantillon et les ont intégrés avec les paramètres physico-chimiques et informations environnementales recueillies sur le site. La combinaison des méta-omiques permet aux scientifiques d’étudier simultanément l’ensemble des génomes, des transcriptomes et des protéomes d’une communauté microbienne, offrant ainsi une vision complète du fonctionnement de la communauté et de ses interactions avec son environnement. Grâce à une modélisation mathématique et statistique, ils ont pu agréger puis réduire la grande quantité de données en seulement 17 signaux fondamentaux. Ces signaux, principalement mathématiques mais aussi liés aux facteurs saisonniers et environnementaux, représentent les principaux moteurs de la communauté microbienne et peuvent donc être utilisés pour prévoir sa composition et son activité dans les années à venir.

Une prédiction précise sur au moins 3 ans !
 

Le modèle a ensuite été utilisé pour prédire la composition et l’expression des gènes des populations microbiennes de la station d’épuration au cours du mois suivant (Juin 2012) puis de la même période lors des cinq années suivant la période d'échantillonnage des données d'apprentissage, soit de juin 2012 à 2016. En fournissant au modèle uniquement des données environnementales, les scientifiques ont obtenu une prédiction de tendance précise sur au moins 3 ans !

Réduire les coûts, l'impact sur l'environnement et la qualité globale de l'eau traitée
 

Cette nouvelle approche a un certain nombre d'implications importantes pour l'avenir du traitement des eaux usées et pour les processus biotechnologiques qui reposent sur les microbiomes en général. La capacité de prédire quand et où des problèmes potentiels, tels que la formation de foisonnement ou l'émergence d'agents pathogènes, sont susceptibles de survenir, permet de prendre des contre-mesures pour d'éviter le problème. Cela pourrait aussi conduire à une augmentation de la durabilité et de l’efficacité des stations d'épuration biologiques, en réduisant les coûts et l'impact sur l'environnement et en améliorant la qualité globale de l'eau traitée.

En outre, ces résultats pourraient avoir des implications dans d'autres domaines, tels que la production de bioénergie et l'assainissement de l'environnement. En comprenant mieux les réactions microbiennes aux conditions environnementales, les scientifiques pourraient mettre au point de nouveaux moyens d'exploiter la puissance des microbes. Enfin, la même approche pourrait être utilisée pour prédire la santé et la dynamique du microbiome humain en relation avec les changements alimentaires, les médicaments et les expositions environnementales.

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Figure : Comparaison entre les valeurs prédites par le modèle et les valeurs mesurées à partir des échantillons de test. A l'aide des 17 signaux fondamentaux détectée sur l'ensemble d'entraînement, les prédictions ont été réalisées sur les abondances relatives au niveau des familles taxonomiques, des voies et des réactions métaboliques, à la fois au niveau de l’ADN (MG pour métagénomique) et l’ARN (MT pour metatranscriptomique). Le coefficient de détermination R2 (calculé comme le coefficient de corrélation de Pearson au carré) est indiqué pour chaque graphique, un coefficient plus élevé indiquant une prédiction plus précise. https://doi.org/10.1038/s41559-023-02241-3

En savoir plus :
Delogu, F., Kunath, B.J., Queirós, P.M. et al. Forecasting the dynamics of a complex microbial community using integrated meta-omics. Nat Ecol Evol (2023). https://doi.org/10.1038/s41559-023-02241-3

Contact

Emilie Muller
Chercheuse CNRS

Laboratoire

Génétique moléculaire, génomique, microbiologie - GMGM (CNRS/Université de Strasbourg)
Institut de physiologie et de chimie biologique (IPCB)
4 allée Konrad Roentgen