Un rôle inattendu pour la protéine Dicer dans la réponse antivirale chez l’Homme

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

Certains organismes eucaryotes (plantes, insectes) luttent contre les infections virales grâce à un mécanisme appelé interférence par l’ARN (ARNi) qui nécessite l’action d’une protéine appelée Dicer. Chez l’Homme, le rôle de l’ARNi dans la réponse antivirale reste débattu. Dans un article publié dans la revue EMBO Journal, des scientifiques montrent, sur des cellules humaines en culture, des fonctions insoupçonnées de la protéine Dicer.

L’ARNi est un mécanisme conservé à travers l’évolution qui permet à la cellule de reconnaître et dégrader les ARN double-brin qui sont produits par exemple lors d’une infection virale. Ce mécanisme est basé sur la protéine Dicer, qui va couper les ARN double brin en fragments, appelés petits ARN interférents (‘small interfering RNA’, siARN). Ces derniers peuvent agir de manière ciblée sur le génome du virus pour le neutraliser. Chez les plantes et les insectes, le rôle antiviral de l’ARNi est fermement établi, mais il n’en est pas de même chez les mammifères, où un autre mécanisme de défense est présent. Ce dernier repose sur l’activation de ce que l’on appelle la réponse interféron qui débute également par la détection de molécules d’ARN double-brin. Chez l’Homme, la protéine Dicer peut interagir spécifiquement avec la protéine PKR, connue pour être activée lors de la réponse interféron, mais le rôle précis de cette interaction n’était pas connu.

Les scientifiques ont montré que des variants de Dicer, amputés d’un sous-domaine appelé hélicase, ne pouvant plus interagir avec PKR possédaient des propriétés antivirales contre des virus tels que le virus de Sindbis, de la forêt de Semliki ou un enterovirus et ce de manière indépendante de l’ARNi. Par contre, ces variants montraient un effet proviral sur d’autres virus comme le SARS-CoV-2. Grâce à des approches de séquençage à haut-débit, les scientifiques ont pu déterminer que ces variants de Dicer perturbaient certaines voies cellulaires liées à la réponse immunitaire innée. En particulier, la protéine NF-kB, connue pour avoir à la fois des effets antiviraux et proviraux, est activée en permanence en présence des variants de Dicer mentionnés plus haut. Ces résultats révèlent des fonctions jusqu’alors insoupçonnées de la protéine Dicer humaine et mettent en avant son importance dans la réponse cellulaire face aux infections virales au-delà de l’ARNi.

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© Sébastien Pfeffer
Figure : Une version mutante de Dicer (N1) amputée de son domaine hélicase, mais pas la version sauvage (WT), active par le biais de PKR la voie de signalisation dépendante de NF-kB induisant une réponse immunitaire spécifique qui confère à la cellule une protection contre certains virus (virus de Sindbis (SINV), virus de la forêt de Semliki (SFV), enterovirus 71), mais pas contre le SARS-CoV-2.

En savoir plus :
The helicase domain of human Dicer prevents RNAi-independent activation of antiviral and inflammatory pathways. Morgane Baldaccini, Léa Gaucherand, Béatrice Chane-Woon-Ming, Mélanie Messmer, Floriane Gucciardi, Sébastien Pfeffer. The EMBO Journal. doi.10.1038/s44318-024-00035-2

Contact

Sébastien Pfeffer
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Architecture et réactivité de l'ARN (CNRS)
Institut de biologie moléculaire et cellulaire 
Université de Strasbourg
2 allée Konrad Roentgen
67084 Strasbourg France