Un nouveau mécanisme de variabilité génétique durant l’embryogenèse précoce

Résultats scientifiques Développement, évolution

Les embryons précoces montrent des signes d’instabilité génomique ainsi que la présence de mutations dont l’origine était à ce jour inconnue. Dans cet article, publié dans la revue Nucleic Acids Research, les scientifiques ont pu identifier un mécanisme moléculaire responsable, et montré qu’il s’agit du système de tolérance des lésions de l’ADN, qui pourrait contribuer également aux variations du bagage génétique entre individus.

L’embryogenèse précoce est une étape très critique du développement, car toutes les modifications du génome produites à ce stade se retrouvent chez les individus adultes. On savait que le génome des embryons précoces montre des taux élevés d'instabilité ainsi que des mutations pouvant entraîner l'infertilité dans au moins 70 % des conceptions chez l’humain. Toutefois, la source des mutations n’avait pas encore été identifiée. En mesurant le taux des mutations qui se produisent pendant les étapes les plus précoces du développement de la grenouille (xénope), les scientifiques ont tout d’abord constaté une mutagenèse très élevée. Ils ont également pu identifier le mécanisme moléculaire sous-jacent et montré qu’il s’agit du système de tolérance des lésions de l’ADN, aussi connu sous le nom de  « synthèse translésionnelle (TLS) » qui est particulièrement actif chez ces embryons. Ce processus permet à la cellule, lors de la réplication de l'ADN, de contourner sans les corriger les lésions de l’ADN au prix d'un taux d'erreurs élevé. Les scientifiques ont également analysé les mutations d’origine embryonnaire chez la mouche du vinaigre (drosophile) à l’échelle du génome. De façon intéressante, cette analyse a révélé une forte similarité avec les mutations qu’on observe dans les cancers de la vessie ou les cancers qui se produisent chez les fumeurs.

Deux études parallèles ont confirmé en même temps l’implication du système de tolérance des lésions de l’ADN dans la diversité génétique des cellules somatiques chez l’humain. Cela laisse penser que ce processus pourrait être actif même dans les embryons de notre espèce. Depuis le séquençage du génome humain, on sait que le génome de chaque individu présente plus de 1 million de différences individuelles. La TLS pourrait contribuer à cette diversité génétique et ainsi faciliter l’adaptation à des changements environnementaux  et représenter un facteur important de l’évolution des espèces.

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©Domenico Maiorano

Figure : Haut: embryon de drosophile au stade de pre-blastoderme observé par microscopie à fluorescence. On remarque les noyaux en phase de division (en bleu) ainsi que le fuseau mitotique (en vert) qui permet la ségrégation des chromosomes. Bas : signature mutagénique dépendante de la TLS au niveau du chromosome III de drosophile adulte.

Pour en savoir plus :
Translesion DNA synthesis-driven mutagenesis in very early embryogenesis of fast cleaving embryos.
Lo Furno E, Busseau I, Aze A, Lorenzi C, Saghira C, Danzi MC, Zuchner S, Maiorano D. Nucleic Acids Research 25 janvier 2022 doi: 10.1093/nar/gkab1223.

Contact

Domenico Maiorano
Directeur de recherche Inserm à l'Institut de génétique humaine (CNRS/Université de Montpellier)

Laboratoire

Institut de génétique humaine (CNRS/Université de Montpellier)
141 rue de la Cardonille
34396 Montpellier