Tuer avant d’être tué : comment une bactérie pathogène résiste au macrophage

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

Le rôle des macrophages est d’ingérer et tuer les micro-organismes. Cependant, en utilisant diverses approches de microscopie, il apparait qu’après sa phagocytose, la bactérie pathogène Pseudomonas aeruginosa induit une lyse des macrophages. Les armes utilisées par la bactérie phagocytée pour lyser le macrophage sont décryptées. Cette étude, parue dans la revue PLOS Pathogens, ouvre des perspectives pour une meilleure compréhension du processus infectieux.

Les infections bactériennes restent une cause majeure de mortalité au niveau mondial, ceci étant exacerbé par l’antibiorésistance qui progresse extrêmement rapidement. En 2017, l’OMS a établi une liste de bactéries pathogènes contre lesquelles il était urgent de lutter, du fait de leur prévalence, dangerosité et fort taux de résistance aux antibiotiques. Parmi les bactéries dites très prioritaires, on trouve Pseudomonas aeruginosa, également connue sous le nom de bacille pyocyanique, qui est un agent pathogène opportuniste responsable d'infections nosocomiales parfois très difficiles à traiter. P. aeruginosa est responsable d’infections aiguës ou chroniques, les infections chroniques étant fréquentes chez les patients atteints de mucoviscidose, chez lesquels cette bactérie est responsable d’une forte mortalité et morbidité. Une meilleure connaissance des mécanismes d’échappement au système immunitaire et des facteurs bactériens impliqués dans le processus d’infection est un prérequis important pour mieux contrôler l’infection et identifier de nouvelle cibles thérapeutiques.

La capacité des cellules phagocytaires professionnelles, telles que les macrophages, à ingérer et tuer des micro-organismes est essentielle à la défense de l'hôte. Cependant, les bactéries pathogènes ont développé des stratégies pour éviter d'être tuées par les phagocytes. P. aeruginosa limite en premier lieu l’étape de phagocytose. Malgré cela, des bactéries ingérées par des macrophages peuvent être visualisées dans des modèles d’infection animaux.

En utilisant des macrophages en culture et diverses approches de microscopie, les chercheurs ont analysé le devenir de ces bactéries qui n’ont pu éviter l’ingestion par les macrophages. L'étude a permis de révéler une lyse des macrophages provoquée depuis l’intérieur par la bactérie P. aeruginosa lorsqu’elle est phagocytée. Les facteurs bactériens qui jouent un rôle dans cette cytotoxicité ont également été identifiés. Ainsi, les protéines MgtC et OprF interfèrent dans ce processus en modulant l’expression du système de sécrétion de type 3 (T3SS) et de son effecteur ExoS, qui ont un rôle clé dans la destruction du macrophage par les bactéries internalisées. Ces travaux permettent de mieux connaitre la progression de l’infection par P. aeruginosa et d’envisager un meilleur contrôle de  la maladie.

 

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Figure : Visualisation par microscopie à fluorescence de la lyse de macrophages causée par les bactéries P. aeruginosa phagocytées. Les bactéries ont été modifiées pour produire la GFP (Green Fluorescent Protein) et fluorescent donc en vert. Le noyau des macrophages coloré au DAPI fluoresce en bleu. L’actine corticale sur le pourtour des macrophages est marquée avec la phaloïdine (fluoresce en rouge). Lorsque les macrophages sont infectés avec une souche PAO1 sauvage de P. aeruginosa, l’actine corticale disparait dans certains macrophages infectés (flèches blanches) dénotant des cellules en cours de lyse. Quand l’infection est faite avec une souche de P. aeruginosa mutée pour le T3SS, les cellules restent intactes, démontrant le rôle du T3SS dans le processus de lyse. Echelle équivalente à 10 µm.

© Anne Blanc-Potard

 

Pour en savoir plus : 

Killing from the inside: Intracellular role of T3SS in the fate of Pseudomonas aeruginosa within macrophages revealed by mgtC and oprF mutants.
Garai P, Berry L, Moussouni M, Bleves S, Blanc-Potard AB.

PLoS Pathog. 2019 Jun 20;15(6):e1007812. doi: 10.1371/journal.ppat.1007812. eCollection 2019 Jun.

Contact

Anne Blanc-Potard
Chercheuse CNRS au Laboratory of pathogenes hosts interactions (LPHI) - (CNRS/Univ. Montpellier)