Transfert d'énergie entre les nanoparticules fluorescentes pour une biodétection amplifiée

Résultats scientifiques Pharmacologie et imagerie

Le transfert d'énergie électronique est un processus essentiel à la conception de matériaux optiques pour la collecte de l’énergie lumineuse. Son rayon d’action est néanmoins limité à 10 nm. A l’aide de nanoparticules conçues pour optimiser ce transfert d’énergie nous avons pu accroitre d’un facteur 3 sa portée et utiliser nos nanoparticules pour détecter avec une sensibilité exceptionnelle la présence d’un biomarqueur du cancer, la survivine.

Le transfert d'énergie électronique est un phénomène essentiel à la photosynthèse qui permet de convertir l'énergie solaire en énergie chimique. Ce processus est au cœur de la conception de nanomatériaux synthétiques capables de collecter l’énergie lumineuse et dont les applications vont de la photovoltaïque à la détection de biomolécules. Ce transfert est généralement décrit par la théorie de Förster (Förster Resonance Energy Transfer, FRET), qui suppose que l'efficacité du transfert d'énergie décroît comme la puissance six de la distance qui sépare les molécules impliquées dans le FRET. Le FRET est l'une des méthodes les plus couramment utilisée pour détecter la présence de biomolécules dans le cadre de tests diagnostiques. La reconnaissance moléculaire entraîne alors une modification de la distance qui sépare les fluorophores impliqués dans le processus de transfert conduisant à une modification de son efficacité qui se mesure à travers un changement de couleur d’émission. Néanmoins, avec les fluorophores utilisés actuellement, la détection reste limitée à des variations de distance de 1 à 10 nm déterminée par le rayon de Förster (~5 nm). Par ailleurs, la faible brillance de ces fluorophores limite la détection d’analytes à des concentrations de l’ordre du nanomolaire (10-9 mol/L).

Afin de mesurer des variations de distances supérieures à 10 nanomètres et d’atteindre des sensibilités de détection inférieures au picomolaire (10-12 mol/L), les scientifiques ont mis au point des nanoparticules biocompatibles et ultrabrillantes. La stratégie décrite dans la publication repose sur l’utilisation simultanée de deux types de nanoparticules : une nanoparticule donneuse qui absorbe l’énergie du photon incident et qui la transfère à une nanoparticule acceptrice. Cette dernière est liée à l’autre nanoparticule par un double brin d’ADN de longueur variable. Grâce à cette dyade, les scientifiques ont montré qu’il est possible de transférer de l’énergie sur une distance de 20 nanomètres, ce qui est largement supérieur à celle prédite par la théorie classique de Förster. Par ailleurs, les expériences ont mis en évidence que l’efficacité de transfert décroit comme la distance particule-particule à la puissance 4, alors que ce paramètre varie comme la puissance 6 dans le cadre de la théorie de Förster. Cette dépendance unique s'explique par la migration ultrarapide de l'énergie d'excitation au sein des nanoparticules, qui permet d’induire un transfert d’énergie entre les surfaces des nanoparticules donneuse et acceptrice. Dans un second temps, cette dépendance a été mise à profit pour exploiter la forte brillance des nanoparticules afin de détecter un fragment ADN d’un biomarqueur du cancer, la survivine, présent dans l’échantillon à des concentrations très faibles. La présence de ce biomarqueur induit la formation de la dyade particule-particule, qui est visualisé par un changement de couleur de la fluorescence de la nanosonde. Cette mesure en fluorescence colorimétrique, bien plus robuste qu’une mesure d’intensité, nous a permis de diminuer notre seuil de détection à des concentrations inférieures au picomolaire (18 attomoles en quantité total). En franchissant la limite de Förster à l’aide de nanoparticules ultrabrillantes, ces expériences ouvrent la voie à la conception de nanomatériaux optiques avancés pour la détection amplifiée de biomolécules et le développement de tests diagnostiques à forte efficacité de détection et à faible coût.

Figure
© Jurga Valanciunaite et Andrey Klymchenko
Figure : (Panneau du haut) Représentation schématique du transfert d'énergie entre les nanoparticules chargées de colorant reliées par des duplex d'ADN de différentes longueurs. Le transfert d'énergie d'excitation dans les particules est aussi représenté. (En bas à gauche) Efficacités de FRET entre ces nanoparticules mesurées expérimentalement en fonction de la distance séparant leurs surfaces. Les points magenta correspondent aux efficacités FRET calculées à l'aide du modèle numérique. La courbe cyan représente le modèle analytique décrivant une variation de l’efficacité selon la puissance quatre de la distance. La courbe orange correspond à la théorie classique de Förster. (En bas à gauche) Réponse colorimétrique de la nanosonde pour des concentrations croissantes d’un biomarqueur du cancer (ADN de la survivine).

Pour en savoir plus : 
Long-range Energy Transfer Between Dye-loaded Nanoparticles: Observation and Amplified Detection of Nucleic Acids.
Biswas D. S., Gaki P., Cruz Da Silva E., Combes A., Reisch A., Didier P., Klymchenko A. S.
Advanced Materials 2023, doi: 10.1002/adma.202301402.

 

Contact

Andrey Klymchenko
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Laboratoire de bioimagerie et pathologies (CNRS/Université de Strasbourg)
Faculté de Pharmacie, Université de Strasbourg,
74, Route du Rhin
BP 60024
67401 Illkirch, France.