Soutenir la recherche fondamentale pour mieux comprendre les maladies neurodégénératives

Distinctions

Le 13 octobre, la Fondation Claude Pompidou a remis son prix annuel de recherche lors d’une cérémonie organisée à Paris. L’équipe de Martin Oheim, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’Institut des Neurosciences Paris Saint-Pères – SPPIN (CNRS/Université Paris Cité), récompensée pour ses travaux innovants autour de la maladie de Parkinson.

De la recherche fondamentale au service de la compréhension des maladies neurodégénératives

Créée pour soutenir les recherches sur la maladie d’Alzheimer, la Fondation Claude Pompidou a élargi depuis quelques années son champ d’action à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Une orientation que Martin Oheim salue particulièrement :

« Soutenir la recherche fondamentale de qualité reste, selon moi, le meilleur garant pour obtenir à moyen et long terme des résultats pour les patients. »

Le SPPIN se positionne comme unlaboratoire de recherche fondamentale où se rencontrent neurosciences moléculaires, cellulaires et biophysiques. L’équipe de Martin Oheim y développe des approches d’imagerie innovantes pour comprendre l’organisation et le fonctionnement du système nerveux.

Quand l’intestin éclaire le cerveau

L’équipe s’intéresse aux interactions entre neurones et astrocytes. Depuis cinq ans, ils ont ouvert un nouvel axe de recherche sur les interactions neurones/glies du système nerveux entérique, qui entoure le tube digestif.

Pourquoi cet intérêt ? Selon l’hypothèse de Heiko Braak, neuropathologiste allemand, certaines formes de la maladie de Parkinson pourraient prendre leur origine dans l’intestin ou dans le bulbe olfactif, deux zones exposées à des facteurs environnementaux, ce que les chercheurs appellent l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des expositions accumulées au cours d’une vie.

Ainsi, les troubles digestifs précèdent parfois les symptômes neurologiques, faisant du tube digestif un terrain d’observation privilégié pour comprendre les mécanismes précoces de la maladie. C’est à la lecture de ces travaux que l’équipe s’est lancée dans un projet d’imagerie sans marquage préalable.

Trois innovations techniques en sont au cœur :

  • une microscopie à grand volume rapide et à haute définition,
  • une technique de clarification des tissus pour les rendre transparents à la lumière,
  • et une imagerie 3-D des biopsies (coloscopies), permettant d’observer la structure cellulaire et subcellulaire des tissus.

La combinaison de ces outils offre une vision inédite du système nerveux entérique et ouvre la voie à un diagnostic précoce de la maladie de Parkinson chez l’homme. Mais le même outil permet également une meilleure observation de la progression de la pathologie chez la souris.

Deux axes de recherche : comprendre et diagnostiquer

Les travaux du SPPIN autour de la maladie de Parkinson se déploient selon deux grands axes :

  • un axe fondamental, consacré à la compréhension des mécanismes de propagation du pathogène de l’intestin vers le cerveau ;
  • un axe translationnel, basé sur l’analyse de biopsies humaines pour développer de nouveaux outils diagnostiques.

Ces approches, à la croisée des disciplines, est rendue possible grâce à une équipe pluridisciplinaire réunissant physiciens, ingénieurs et neurobiologistes, et à des collaborations étroites, notamment avec l’équipe de Pascal Derkinderen du CHU de Nantes, spécialiste de la maladie de Parkinson.

Un prix pour donner un nouvel élan à la recherche

Le prix de la Fondation Claude Pompidou, d’un montant de 100 000 euros, représente une reconnaissance précieuse pour l’équipe. Ces fonds permettront notamment de :

  • renouveler un équipement laser à impulsions femtosecondes qui permet l’imagerie de l’autofluorescence des tissus,
  • augmenter la capacité du datacenter pour stocker et traiter les données 3D issues de la microscopie,
  • moderniser le parc informatique pour gérer les grands jeux de données générés.

« Ce prix nous donne les moyens de renforcer nos dispositifs expérimentaux, mais aussi de poursuivre notre ambition : créer une passerelle entre recherche fondamentale et recherche appliquée. »

Vers une imagerie volumique ultra-rapide à portée des médecins

Grâce au financement de la Fondation Claude Pompidou, l’équipe de Martin Oheim souhaite maintenant développer une technique d’imagerie bi-photonique ultra-rapide et accessible aux cliniciens, capable de reconstituer en quelques minutes une biopsie complète en 3D. Une avancée qui pourrait non seulement accélérer le diagnostic, mais aussi orienter les traitements des maladies neurodégénératives.

« L’intestin n’est pas un clone du cerveau, il faut réinventer les outils d’observation », 

conclut Martin Oheim. 

Un défi scientifique que son équipe, à la croisée de la physique, de la biologie et de la médecine, relève avec passion.

© Antoine Hadjean
De gauche à droite : Hervé SUAUDEAU, Carmen PARADELA LEAL, Brigitte DELHOMME, Vincent ARMAND, Marwa MOULZIR, Doriane HAZART, Martin OHEIM, Adi SALOMON, Hugo TOUJA et Carine JULIEN