SkyPole ou comment trouver le nord dans le bleu du ciel

Résultats scientifiques

Comment certains oiseaux migrateurs recalent-ils leur compas magnétique ? Comment mesurer son cap par rapport au nord géographique, sans boussole, ni GPS, ni étoile ? Autant de questions qui trouvent leurs réponses dans la polarisation du ciel, phénomène invisible à l’œil humain mais pourtant largement utilisé dans le monde animal. La méthode SkyPole, publiée dans la revue PNAS, permet de localiser le pôle céleste et par conséquent d’obtenir le cap et la latitude de l’observateur en analysant uniquement le motif de lumière polarisée du ciel en plein jour.

Comment ne jamais perdre le nord ? Le nord géographique terrestre peut être actuellement mesuré de quatre manières différentes : en utilisant un compas magnétique, ou un gyrocompas (sensible à la rotation de la terre comme un pendule de Foucault), en utilisant les étoiles comme l’Etoile polaire (Polaris) qui se situe proche du pôle nord céleste (point imaginaire à l’intersection entre l’axe de rotation de la Terre et la voute céleste), ou encore grâce à un système de positionnement par satellites GNSS (GNSS pour Global Navigation Satellite Systems comme le GPS – Américain, Galileo – l’Européen, Starlink – La version privée de SpaceX...). Ces quatre techniques présentent cependant des inconvénients majeurs : le compas magnétique est très sensible aux perturbations électromagnétiques, le gyrocompas est très couteux et relativement encombrant, les signaux des satellites GNSS peuvent être facilement brouillés ou être usurpés, et enfin les étoiles ne peuvent être utilisées que de nuit sous un ciel clair.

Comme alternative à ces techniques, les stratégies de navigation inspirées de la nature sont particulièrement intéressantes, mais aussi sources d’innovations car peu connues. La fourmi Cataglyphis, par exemple, peut estimer son cap en plein désert grâce à sa boussole optique, associée à une région de son œil composé sensible à la polarisation du ciel. Cette polarisation du ciel, invisible à l’œil humain, est liée au phénomène de diffusion de Rayleigh, à l’origine de la couleur bleue du ciel. Les informations de degré et d’angle de polarisation du ciel sont largement exploitées dans le monde animal, mais actuellement peu étudiées par l’homme de l’art. Des études ont également montré que certains oiseaux migrateurs comme le Passerin indigo ou le Bruant des prés calibrent leur boussole magnétique en observant la rotation céleste durant la nuit, mais aussi de jour en utilisant la polarisation du ciel.

En s’inspirant du vivant, les scientifiques ont développé une méthode optique bio-inspirée pour trouver le pôle céleste pendant la journée. Cette méthode, appelée SkyPole, est basée sur la rotation du motif de polarisation de la lumière du ciel. Une caméra polarimétrique (sensible à la lumière polarisée) a été utilisée pour mesurer la rotation du degré de polarisation de la lumière du ciel de jour. Les scientifiques ont appliqué une différence successive d'images prises à différents instants avec la caméra polarimétrique afin de déterminer la position du pôle nord céleste dans le ciel. Cette position permet ensuite de calculer la latitude et le cap de l'observateur par rapport au nord géographique avec une précision de quelques degrés sur la base uniquement d’informations visuelles.

SkyPole est la première méthode exploitant uniquement des informations issues du motif de polarisation du ciel pour se géolocaliser et trouver son cap par rapport au vrai nord (nord géographique). Ainsi, presque 300 ans plus tard, SkyPole revisite le sextant, un instrument de navigation datant de 1730 et coinventée indépendamment par deux personnes : John Hadley (1682-1744) un mathématicien anglais, et Thomas Godfrey (1704-1749), un inventeur américain. SkyPole représente ainsi une première étape vers le développement d’un sextant « polarimétrique ».

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© Thomas Kronland-Martinet, Léo Poughon et Stéphane Viollet
Figure : Vue panoramique du ciel prise par caméra polarimétrique mettant en évidence les symétries (lignes blanches) du motif de polarisation se croisant au pôle céleste (point blanc plus brillant). Les lignes résultent du traitement par la méthode SkyPole.

En savoir plus : 
T. Kronland-Martinet, L. Poughon, M. Pasquinelli, D. Duché, J. R Serres and S. Viollet (2023) SkyPole - A method for locating the north celestial pole from skylight polarization patterns, PNAS.

Contact

Stéphane Viollet
Chercheur CNRS

Laboratoire

Institut des Sciences du Mouvement - Etienne-Jules Marey - ISM (CNRS/Aix-Marseille Université)
163 avenue de Luminy
13009 Marseille