Silence, moteur… action ! Lumière sur la traduction des ARN messagers dans un embryon

Résultats scientifiques Développement, évolution

La visualisation en temps réel de la synthèse des protéines n’avait encore jamais été deployée dans un organisme en développement. Dans cet article paru dans la revue Science, les scientifiques ont pu visualiser l’étape de traduction de molécules d'ARNm individuelles dans l’embryon de drosophile grâce au système SunTag. En quantifiant, où, quand et avec quelle dynamique la traduction s’effectue, ces recherches ont conduit à la découverte d'usines de traduction et à démasquer des hétérogénéités importantes dans l'efficacité de la traduction entre des ARNm identiques.

‘‘Progress in science depends on new techniques, new discoveries and new ideas, probably in that order’’ Sidney Brenner

 

Le développement harmonieux d’un organisme pluricellulaire nécessite un contrôle de l’expression de ses gènes afin que les cellules puissent adopter un destin précis dans l’espace et dans le temps. Deux étapes clés régulent l’expression du génome : i) la transcription, copie de l’information codée dans notre génome en une molécule intermédiaire appelée ARN messager (ARNm) et ii) la traduction, processus de formation par les ribosomes de protéines à partir de ces ARNm. Alors que les facteurs impliqués dans la traduction sont relativement bien connus, ce processus n’a encore jamais été visualisé dans un organisme vivant, contrairement à la transcription. En déployant une méthode nommée SunTag (Supernova Tag, basée sur la reconnaissance de petits peptides insérés dans la protéine d’intérêt et reconnus par un anticorps couplé à une protéine fluorescente) pour la première fois dans des embryons de drosophile, les chercheurs ont réussi à visualiser où et quand des molécules uniques d’ARNm sont traduites dans cet organisme multicellulaire. Ce contrôle spatio-temporel de la traduction peut dorénavant être directement comparé à celui de la transcription au sein d’un embryon en développement, afin d’examiner la corrélation potentielle entre ces deux étapes clés du dogme central de la biologie moléculaire.

Par ailleurs, les scientifiques ont pu estimer les cinétiques de traduction (vitesse d’initiation et d’élongation des ribosomes) avec lesquelles une molécule d’ARNm est traduite en protéine. En se concentrant sur la traduction du facteur de transcription Twist induisant la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT), ils ont mis en lumière une surprenante variabilité dans l’efficacité de traduction des ARNm en fonction de leur localisation dans la cellule. Ces résultats démontrent une importante hétérogénéité spatiale dans l’efficacité de traduction de molécules d’ARNm identiques, avec de potentielles conséquences sur la diffusion des protéines produites. L'observation de l'emplacement et de la dynamique de la traduction de l’ARNm dans un organisme multicellulaire vivant ouvre des pistes pour comprendre la régulation des gènes au cours du développement.

Pour en savoir plus :
Imaging translation dynamics in live embryos reveals spatial heterogeneities.
Dufourt J, Bellec M, Trullo A, Dejean M, De Rossi S, Favard C, Lagha M. 
 Science. 29 avril 2021 doi: 10.1126/science.abc3483.

Silence, moteur… action ! Lumière sur la traduction des ARN messagers dans un embryon

Utilisation du système suntag dans un embryon de drosophile imagé au microscope haute résolution. Le pannel du haut représente un embryon entier (vue transversale à gauche et sagittale à droite), le pannel du bas une vidéo zoomée dans la partie du mésoderme de l'embryon.

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Contact

Mounia Lagha
Directrice de recherche CNRS à l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier (Université de Montpellier/CNRS)

laboratoire

Institut de génétique moléculaire de Montpellier (Univ.Montpellier/CNRS)
1919 route de Mende, 34090 Montpellier