« Should I stay or should I go » : comment le cerveau apprend en comparant
Dans une étude publiée dans Current Biology, des scientifiques montrent que des neurones du noyau paraventriculaire du thalamus, une région du cerveau qui relaie et intègre de nombreuses informations sensorielles et émotionnelles, permettent aux souris de comparer leurs expériences présentes et passées afin d’évaluer danger et sécurité relatifs. Ces évaluations sont cruciales pour guider la sélection de comportements défensifs adaptés.
Le cerveau compare les expériences pour distinguer danger et sécurité relatifs
Les animaux apprennent à prendre des décisions adaptées en attribuant une valeur positive ou négative aux expériences qu’ils vivent. Ils peuvent ainsi évaluer une situation actuelle en la comparant aux expériences passées : un danger peut paraître relativement plus ou moins dangereux que celui rencontré auparavant ; une situation neutre peut paraître relativement sûre lorsqu’elle est comparée à une expérience précédente menaçante.
Ces valeurs relatives orientent ensuite le choix du comportement approprié, comme rester ou fuir.
Toutefois, les mécanismes cérébraux qui permettent ces comparaisons relatives restent mal compris, alors qu’ils sont essentiels pour développer de meilleures stratégies thérapeutiques pour des maladies neurologiques où l’encodage de la valeur est altéré, comme l’addiction, la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer.
Le rôle du noyau paraventriculaire du thalamus dans l’évaluation relative de la valeur
Le noyau paraventriculaire du thalamus (PVT) est une région du cerveau des mammifères impliquée dans l’évaluation de l’importance et de la valence émotionnelle d’une expérience, c’est-à-dire sa capacité à être perçue comme positive, négative ou neutre. Il pourrait donc contribuer à l’apprentissage des différences entre danger et sécurité, et au codage de la valeur relative.
Dans un article publié dans la revue Current Biology, des scientifiques ont conçu deux tâches comportementales pour étudier comment les souris apprennent à distinguer le danger relatif de la sécurité.
Ils ont pu bénéficier pour ce travail du soutien de l’équipe d’Eric Kremer (Institut de génétique moléculaire de Montpellier) et de la plateforme de vectorologie de Montpellier, Biocampus, pilotée par Céline Lemmers.
Des neurones D2+ indispensables pour comparer les expériences
Les résultats démontrent qu’une population précise de neurones situés dans la partie antérieure du PVT, qui expriment le récepteur dopaminergique D2, les neurones D2+, s’active spécifiquement durant ces apprentissages fondés sur la comparaison.
Quand ces neurones sont inactivés, les souris deviennent incapables de comparer différents niveaux de danger, alors qu’elles continuent à réagir normalement à un danger pris isolément.
Ces neurones participent également à l’apprentissage relatif de la sécurité : en leur absence, les souris passent davantage de temps dans le compartiment relativement sûr.
En résumé, ces travaux montrent que les neurones D2+ de la partie antérieure du PVT permettent au cerveau de comparer les expériences passées et présentes pour déterminer ce qui est plus dangereux ou plus sûr, et d’adopter ensuite le comportement le plus adapté.
Comment le cerveau apprend en comparant
Les souris apprennent d’abord à associer un contexte carré à une punition, ce qui crée une mémoire aversive. Elles comparent ensuite cette expérience négative à une nouvelle situation dans laquelle un contexte circulaire est associé à une punition moins intense ou à l’absence de punition. Elles apprennent ainsi soit la valeur relative de deux expériences aversives (à gauche), soit la valeur relative de sécurité (à droite). Cet apprentissage dépend des neurones du noyau paraventriculaire du thalamus exprimant le récepteur dopaminergique D2 (D2+). Les valeurs relatives ainsi établies permettent ensuite aux souris de choisir un comportement approprié, rester ou fuir.
Audiodescription
Figure : Image prise au microscope représentant le noyau paraventriculaire antérieur du thalamus de souris adulte montrant les neurones exprimant (en magenta) ou non (en vert) le récepteur D2 de la dopamine.
En savoir plus : Magdalena Miranda, Elsa Karam, Pola Tuduri, Maïwenn Passard, Majda Drahmani, Loic Vaillant, Christina-Anna Vallianatou, Marina Lavigne, Eric J. Kremer, Jeanne Ster, Emmanuel Perisse, Stéphanie Trouche, Modulation of relative aversive and safety learning by D2-expressing neurons of the anterior paraventricular nucleus of the thalamus, Current Biology, 2025. https://doi.org/10.1016/j.cub.2025.11.006.
Contact
Laboratoire
Institut de génomique fonctionnelle (IGF) - (Inserm/CNRS/Université de Montpellier)
141 rue de la Cardonille
34094- Montpellier Cedex5
Résultats obtenus avec l'aide de la plateforme de vectorologie de Montpellier