Serge Luquet, au cœur des conversations entre cerveau et organes
Pourquoi notre poids reste-t-il globalement stable pendant notre vie adulte, malgré des variations alimentaires constantes ? Cette question simple guide depuis toujours les recherches de Serge Luquet. Formé à la physiologie métabolique à Nice, il découvre lors de sa thèse que certains lipides agissent comme des hormones capables d’activer des voies de signalisation complexes. De là, nait une intuition décisive : si les lipides agissent sur les organes périphériques, pourquoi pas aussi sur le cerveau ? Pour explorer cette piste, il rejoint l’Howard Hughes Medical Institute à Seattle. Porté par la culture interdisciplinaire locale, il y découvre une plasticité surprenante des circuits neuronaux régulant l’alimentation.
De retour en France, il fonde son équipe au BFA à Paris avec un premier allié décisif : Julien Castel, alors jeune ingénieur. Leur ambition : dépasser les visions cloisonnées du cerveau et du métabolisme pour comprendre, à différentes échelles — moléculaire, cellulaire, corps entier — comment les dialogues entre cerveau et organes gouvernent l’équilibre énergétique. Son équipe révèle ainsi le rôle des astrocytes hypothalamiques dans la régulation du métabolisme et de la sensibilité à l’insuline. Elle a aussi montré que les lipides modulent le plaisir alimentaire via le circuit de la récompense. Plus récemment, leurs travaux ont identifié comment la protéine ANKK1 – liée à une variation génétique associée à l'addiction et à l'obésité - contrôle à la fois les comportements liés à la récompense et au métabolisme.
Aujourd'hui, Serge Luquet défend une vision holistique de la physiologie et de la physiopathologie, où l'organisme n'est pas une somme d'organes indépendants, mais un tissu vivant de dialogues constants. « Une modulation au niveau moléculaire peut rejaillir sur un dialogue cellulaire et bouleverser l’équilibre d’un organisme entier », résume-t-il. Une approche dynamique et collective, à l'image de son équipe qui s’est patiemment construite.