Sécurité alimentaire : l’édition du génome permet d’obtenir du riz résistant à de multiple pathogènes

Résultats scientifiques Biologie végétale

L’être humain est dépendant de l’agriculture pour sa survie, cependant le réchauffement climatique favorise le développement des pathogènes des céréales. Produire des plantes résistantes aux pathogènes sans perte de rendement est un sujet majeur pour la sécurité alimentaire. Dans une étude publiée dans Nature, des scientifiques en Chine, aux Etats-Unis et en France ont produit par édition du génome du riz, un variant capable de résister à un large spectre de pathogènes sans pénalités de rendement.    

Les maladies des céréales représentent une menace sérieuse pour la sécurité alimentaire globale. Ces maladies peuvent être causées par des bactéries, des champignons ou des virus. L’attaque des céréales par les champignons est la première cause de baisse de rendement en céréales à travers le monde, mettant en danger de nombreuses personnes d’un point de vue alimentaire. A titre d’exemple, les attaques par le champignon Magnaporthe oryzae est à elle seule responsable chaque année de la perte de production en grain de riz qui aurait été suffisante pour nourrir l’équivalent de 60 millions de personnes à travers le monde. Très peu de céréales issues de l’amélioration des plantes, et présentant un large spectre de résistance aux attaques pathogènes, ont été utilisées en plein champ. Ces plantes, certes résistante aux pathogènes, présentent un rendement de production plus faible, remettant en question leur utilité en plein champ. Un des grands enjeux de la sécurité alimentaire mondiale est de comprendre comment les plantes arrivent à s’adapter à des conditions environnementales de plus en plus difficiles au vue du changement climatique. Les plantes ont la capacité remarquable de s’adapter rapidement, mais à quel prix ?

L’adaptation ou la capacité à résister à un pathogène a un coût pour la plante qui cherche continuellement des compromis entre survie et croissance. Une étude menée conjointement par des équipes chinoise, américaine et française vient de montrer qu’un compromis vertueux est possible. Les chercheurs ont d’abord identifié par criblage génétique une mutation qui induit la résistance du riz aux attaques pathogènes de 10 souches différentes du champignon Magnaporthe oryzae, 5 souches de la bactérie Xantomonas oryzae et 2 souches du champignon ascomycète Ustilaginoidea virens. De plus, plusieurs cultivars de riz portant la mutation montrent les mêmes résultats face aux pathogènes. Ce large spectre de résistance aux pathogènes présente un intérêt considérable, malheureusement cette mutation cause une réduction drastique en rendement. En utilisant des outils moléculaires d’édition du génome par la technologie CRISPR/Cas9, les scientifiques ont ensuite produit une version éditée génétiquement de la mutation. Cette dernière ne provoque pas de perte de rendement et confère à la plante une résistance aux pathogènes, aussi bien en conditions contrôlées de laboratoire qu’en conditions réelles de plein champs. Le gène édité, appelé RBL1Δ12 (RESISTANCE TO BLAST1VARIANT12), code une enzyme de la voie de biosynthèse des lipides des membranes biologiques.

Les membranes biologiques sont des assemblages supramoléculaires de lipides et de protéines qui se régulent mutuellement. L’enzyme RBL1 permets la synthèse d’un lipide, appelé le phosphatidylinositol-bi-phosphate (PIP2), qui est enrichi au niveau du site d’infection du pathogène. Le champignon utilise le PIP2 de l’hôte pour l’infecter, réduire le niveau de PIP2 est donc bénéfique à la plante du point de vue de la résistance au pathogène. Cependant, la plante utilise ce lipide pour de nombreux processus développementaux, par conséquent la réduction de PIP2 est défavorable à la croissance de la plante. La régulation fine de cette enzyme par édition génétique a permis de trouver un compromis vertueux pour la plante.

Grâce à des outils de pointes de métabolomique disponibles au sein de l’Infrastructure Nationale Metabohub les scientifiques ont pu associer la résistance du riz aux pathogènes sans pénalités de croissance à une quantité intermédiaire du lipide PIP2 dans le variant édité génétiquement. Ces travaux montrent la puissance des outils d’édition du génome ainsi que leur intérêt pour la sécurité alimentaire mondiale et ouvrent la voie à de futures avancées majeures en amélioration des plantes d’intérêt agronomique.

Figure
© Yohann Boutté, figure générée sur BioRender
Figure : Le riz comme d’autres céréales est sujet à des attaques pathogènes telles que celles provoquées par les champignons, ce qui peut se manifester par des lésions sur les feuilles et des pertes de rendement. Lorsque le champignon pénètre dans la cellule, le lipide phosphatidylinositol-bi-phosphate (PIP2), dont la synthèse par la cellule infectée dépend en partie du gène RBL1, se concentre autour de la zone d’infection, ce qui participe à signaler à la cellule la présence d’un pathogène à l’extérieur mais qui est aussi favorable au développement du pathogène. Un version perte de fonction forte du gène RBL1 (rbl1) permets à la plante de résister à l’infection mais induit de sévère perte de rendement. Une version éditée génétiquement par la méthode CRISPR-CAS permets d’atteindre un niveau intermédiaire en PIP2 et de résister à l’infection sans provoquer de perte de rendement.

En savoir plus :
Genome editing of a rice CDP-DAG synthase confers multipathogen resistance, Nature, 2023 Jun 14. doi: 10.1038/s41586-023-06205-2. Online ahead of print.

Contact

Yohann Boutté
Directeur de recherche CNRS
Laëtitia Fouillen
IR CNRS

Laboratoires

Laboratoire de Biogénèse Membranaire - LBM (CNRS/Université de Bordeaux)
Batiment A3, INRAE Bordeaux Aquitaine
71, Avenue Edouard Bourlaux
33140 Villenave d’Ornon

Bordeaux Métabolome (CNRS/Inrae/Université de Bordeaux) 
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