Santé du foie : effets carcinogènes de l’hormone FGF19 et d’un de ses analogues thérapeutiques

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

L’hormone FGF19 a paradoxalement des effets métaboliques protecteurs de la fonction hépatique et des effets procarcinogènes. Dans une étude, publiée dans EMBO molecular medicine, les scientifiques démontrent que l’homologue thérapeutique de FGF19, actuellement soumis à des essais cliniques, l’Aldafermin (NGM282), conserve une activité carcinogène, appelant à une grande prudence quant à son utilisation.

L’hormone FGF19 (FGF19), produite par l’intestin après un repas, possède de multiples fonctions physiologiques, notamment la régulation des acides biliaires et du glucose, bénéfiques à un bon fonctionnement du foie. Mais on sait aussi que FGF19 présente une activité oncogénique et est impliqué dans la formation de certains carcinomes hépatocellulaires (CHC), le principal cancer du foie, et troisième cancer le plus mortel au niveau mondial (près de 800 000 morts par an). Ces effets paradoxaux de l’hormone restent mal compris.

Au vu de l’intérêt de FGF19 comme composé thérapeutique pour les maladies métaboliques du foie, des analogues de l’hormone ont été développés pour imiter ses effets métaboliques protecteurs du foie, tout en étant théoriquement dépourvus de ses effets oncogéniques. Les analogues de FGF19 sont actuellement testés dans le cadre d’essais cliniques.

Dans cette étude, publiée dans la revue EMBO molecular medicine, les scientifiques ont examiné la coopération oncogènique entre FGF19 et les voies fréquemment mutées dans le CHC. En utilisant un modèle murin préclinique, ils montrent que FGF19 coopère efficacement avec plusieurs événements oncogènes caractéristiques du CHC, tels que l'activation de la voie de signalisation Wnt/β-catenin ou l'augmentation de l'expression de la protéine Myc. De manière cruciale, ils démontrent que l'analogue de FGF19, l’Aldafermin (aussi appelé NGM282), conserve ses effets oncogéniques dans ce contexte. Ainsi, même un traitement court avec l'administration systémique de protéines recombinantes déclenche la formation de foyers prolifératifs d'hépatocytes transfectés par Myc.

Ces résultats indiquent que l'activation de la voie FGF19/FGFR4 coopère avec Myc pour provoquer un CHC agressif, et contribuent à une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans la carcinogenèse hépatique, particulièrement pour le sous-groupe de patients présentant une dérégulation de cette hormone. Étant donné que la voie Myc est souvent dérégulée chez les patients atteints de maladie du foie associée à un dysfonctionnement métabolique (stéato-hépatite métabolique MASH) ou de cirrhose, ces travaux amènent à recommander la prudence quant à l'application clinique des analogues de FGF19, en particulier dans le contexte des maladies du foie.

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© Damien GREGOIRE
Figure : FGF19 et son analogue thérapeutique Aldafermin coopèrent dans la carcinogenèse hépatique.
Foie de souris avec tumeurs résultant de la surexpression de MYC et Aldafermine (panel supérieur gauche), coupe de foie présentant des foyers de cellules exprimant MYC (en rouge) et en prolifération (en vert) suite à l'aldminitration d'Aldafermin à des souris (panel inférieur gauche) et résumé graphique de l'étude (panel droite). 

En savoir plus :
Ursic-Bedoya J, Desandré G, Chavey C, Marie P, Polizzi A, Rivière B, Guillou H, Assenat E, Hibner U, Gregoire D. FGF19 and its analog Aldafermin cooperate with MYC to induce aggressive hepatocarcinogenesis. EMBO Mol Med. 2024 Feb;16(2):238-250. doi: 10.1038/s44321-023-00021-x. 

Contact

Damien Grégoire
Chargé de recherche CNRS

Laboratoire

Institut de génétique moléculaire de Montpellier - IGMM (CNRS/Université de Montpellier)
1919 route de Mende
34293 Montpellier