Quelles informations contrôlent le GPS cérébral ?

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Cette nouvelle étude sur les grid cells montre quelles sont les informations qui contrôlent la formation d’une représentation de l’espace dans le cerveau. Les grid cells du cortex entorhinal, avec les place cells de l’hippocampe, forment le GPS cérébral permettant à chacun de naviguer dans son environnement. Les chercheurs montrent que l’activité spatiale des grid cells est générée par les informations issues des mouvements. En revanche, les repères visuels de l’environnement contrôlent la résolution spatiale de la carte formée par les grid cells.

Le cerveau des mammifères (y compris l'Homme) possède des mécanismes cérébraux sophistiqués et spécialisés pour représenter l’espace dans lequel un individu se déplace. Ces mécanismes sont sous-tendus par un réseau de neurones qui présentent des activités spécifiquement liées à la position du sujet dans l’espace. Parmi ces neurones « spatiaux », deux populations jouent un rôle central : les place cells de l’hippocampe et les grid cells du cortex entorhinal. Une place cell s’active sélectivement lorsque l’animal se trouve à un endroit précis de l’espace, appelé champ d’activité (Figure 1A). Une grid cell possède plusieurs champs d’activité disposés de façon régulière, formant ainsi une grille qui s’étale sur la totalité de l’espace exploré par l’animal (Figure 1B). Travaillant conjointement, ces neurones permettent de connaître notre position à chaque instant et trouver des lieux spécifiques dans l’espace. La découverte de ce système spatial cérébral par John O’Keefe et Edvard et May-Britt Moser a été récompensée par le prix Nobel de Physiologie et/ou Médecine en 2014.

Les place cells forment une représentation spatiale grâce aux informations que chaque environnement contient (visuelles, olfactives, auditives). En revanche, les grid cells fournissent une représentation métrique universelle de l'espace qui serait dépendante des informations générées par les déplacements effectués par l'animal (système vestibulaire, proprioception et flux visuel), et indépendante des informations présentes dans l'environnement. Le travail effectué par le Docteur Francesca Sargolini dans le laboratoire d’Edvard et May-Britt Moser, a été le premier à suggérer cette hypothèse (Sargolini et al., 2006 Science, article de référence du prix Nobel 2014). Cependant, aucune étude à ce jour, n’avait pu montrer la véritable contribution des informations de mouvement et des informations environnementales sur la genèse de l’activité spatiale des grid cells.

Les chercheurs ont enregistré (pour la première fois en France) l’activité des grid cells chez des rats entraînés à explorer différents environnements : des arènes et des couloirs circulaires de tailles variables (Figure 1C). L’activité des grid cells enregistrée a été comparée à celle prédite par des modèles basés sur l’utilisation de différents types d’informations : celles générées par le mouvement, celles présentes dans l’environnement ou la combinaison des deux. Ils ont alors découvert que l’activité en grille observée dans une arène est profondément modifiée lorsque le rat explore un couloir. En effet, la structure en grille se transforme en une structure linéaire, qui se répète avec une cadence régulière d’un tour à l’autre du couloir (Figure 1D). Cette activité est générée par l’intégration des informations issues du mouvement de l’animal. En revanche les informations de l’environnement déterminent l’écartement entre les champs d’activité des grid cells. En particulier, l’absence ou la faible disponibilité des informations visuelles augmentent la distance entre les champs d’activité. Inversement, lorsque les informations environnementales sont disponibles, les champs d’activité sont plus proches.

Ce travail demontre que les informations issues du mouvement sont responsables de l’activité spatiale des grid cells, alors que les informations environnementales contrôlent la résolution de la carte spatiale en modulant l’échelle spatiale de la grille. Une échelle large où les champs sont espacés correspondrait à une faible résolution spatiale alors qu’une échelle serrée où les champs sont proches correspondrait à une forte résolution spatiale, tout comme la taille des pixels dans une image détermine sa résolution visuelle.

 

Image retirée.
© Francesca Sargolini & Pierre-Yves Jacob / CC Att 4.0

Figure : A : Place cell de l’hippocampe ; en haut, représentation de l’hippocampe (en gris foncé) dans le cerveau du rat ; en bas, exemple d’une place cell enregistrée chez un rat explorant une arène carrée : à gauche, trajectoire du rat (en noir) avec les potentiels d’action de la cellule superposés (en vert) ; à droite carte d’activité montrant les variations de fréquence d’activité de la cellule en fonction de la position du rat (code couleur – bleu 0Hz, rouge fréquence maximale). B : Grid cell du cortex entorhinal : en haut, représentation du cortex entorhinal (en rouge) dans le cerveau du rat ; en bas, exemple d’une grid cell. C : Exemple d’une grid cell enregistrée dans une arène et un couloir. D : Distribution de la fréquence d’activité de la même grid cell en fonction de la position du rat dans le couloir.

 

En savoir plus :
Path integration maintains spatial periodicity of grid cell firing in a 1D circular track.
Jacob PY, Capitano F, Poucet B, Save E, Sargolini F.
Nat Commun. 2019 Feb 19;10(1):840. doi: 10.1038/s41467-019-08795-w.

Contact

Francesca Sargolini
Enseignante-chercheuse à l'Université Aix-Marseille
Pierre-Yves Jacob