Quand une mousse envahissante grimpe aux arbres de l’île de la Réunion

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Une étude publiée dans Current Biology révèle un comportement inédit chez la mousse envahissante Pseudoscleropodium purum, ou « mousse des jardiniers », probablement introduite accidentellement à La Réunion dans les années 1960. Longtemps décrite comme terrestre, elle adopte désormais une stratégie développementale lui permettant de coloniser des troncs d’arbres. Cette transition architecturale, favorisée par une croissance record et un développement plastique, accroît son pouvoir envahissant et menace gravement la diversité de nombreuses autres espèces végétales de l’île.

Une mousse terrestre qui grimpe aux arbres

Les activités humaines bouleversent les écosystèmes et ouvrent la voie à la prolifération d’espèces exotiques envahissantes. Si plus de 2 800 plantes vasculaires invasives sont recensées dans le monde, les mousses sont rarement concernées. L’étude rapportée dans la revue scientifique Current Biology change la donne en documentant un cas unique : la mousse Pseudoscleropodium purum, originaire d’Europe et connue sous le nom de « mousse des jardiniers », introduite accidentellement à La Réunion dans les années 1960, est désormais capable de coloniser les troncs d’arbres.

Jusqu’ici décrite comme une espèce terrestre, cette mousse se distingue par une transition spectaculaire vers la vie épiphyte, c’est-à-dire accrochée à d’autres plantes. Les scientifiques ont montré que cette nouvelle stratégie repose sur des modifications architecturales telles que l’allongement et la multiplication des tiges principales, une production accrue de rhizoïdes (des structures filamenteuses permettant l’ancrage), mais aussi un rythme de croissance moyen d’environ 10 cm par an et pouvant parfois dépasser 40 cm par an – un record chez les mousses terrestres.

Un impact écologique majeur sur la biodiversité réunionnaise

Ces caractéristiques confèrent à cette mousse un avantage compétitif considérable. En se développant non seulement au sol mais aussi le long des troncs, la mousse envahit de nouveaux habitats, étouffe progressivement des dizaines d’espèces bryophytes locales et menace ainsi un patrimoine biologique remarquable. Avec 265 espèces de mousses épiphytes indigènes recensées sur l’île, l’impact potentiel de cette expansion rapide est majeur.

Au-delà du cas de La Réunion, cette découverte souligne l’importance de mieux comprendre la biologie et la plasticité des mousses, longtemps considérées comme des organismes lents et discrets. L’étude démontre que leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes, mais aussi leur potentiel invasif, a été largement sous-estimé. Identifier les mécanismes qui favorisent ces changements de stratégie est un préalable essentiel à la mise en place de mesures de conservation efficaces face à la menace grandissante des invasions biologiques.

© Claudine Ah-Peng

Figure : à gauche : La mousse exotique envahissante Pseudoscleropodium purum (pointes de flèches blanches) couvre le sol forestier et colonise le tronc d’un arbre endémique dans le Parc National de La Réunion. 
à droite : Dispositif expérimental permettant d’étudier l’impact de la mousse exotique invasive Pseudoscleropodium purum sur la flore locale.

En savoir plus : Saioa Ricou-Dreneuc ; Claudine Ah-Peng ; Yoan Coudert. Architectural shift to epiphytism fuels exotic bryophyte invasiveness. Current Biology. 2025 Sept; 22 https://doi.org/10.1016/j.cub.2025.07.068 

Contact

Yoan Coudert
Chargé de recherche CNRS
Claudine Ah-Peng
Chercheuse à l'Université de la Réunion

Laboratoires

  • Reproduction et développement des plantes - RDP (CNRS/ENS Lyon/Inrae)
    ENS de lyon
    46, Allée d'Italie 69364 
    LYON Cedex 07 FRANCE
  • Peuplements végétaux et bioagresseurs en milieu tropical - PVMBT (Université de la Réunion/Cirad/Inrae)
    Pôle de protection des plantes 
    7 chemin de l'IRAT 
    97410 St Pierre