Quand une bactérie aggrave la fragilité de la peau dans l’épidermolyse bulleuse dystrophique
L'épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (ou EBDR) est une maladie génétique rare et grave qui rend la peau extrêmement fragile. Une étude récente, publiée dans Science Translational Medicine, montre l’influence de certaines bactéries présentes sur la peau des enfants atteints d'EBDR. Ces bactéries joueraient un rôle clé dans l’intensité de leur réponse inflammatoire et dans l’aggravation de leurs symptômes. Ces découvertes ouvrent de nouvelles voies pour une prise en charge plus personnalisée des patients.
Une peau particulièrement vulnérable
L'épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (ou EBDR) est causée par des mutations génétiques affectant le gène COL7A1, responsable de la production du collagène VII, principal constituant des fibrilles d'ancrage qui fixent, par l’intermédiaire d’une structure protéique appelée lame basale, les cellules de l’épiderme au derme sous-jacent. Sans ce collagène, la peau devient fragile et se déchire facilement, créant des plaies chroniques et douloureuses. Ces plaies sont souvent colonisées par la bactérie Staphylocoque doré (Staphylococcus aureus). Bien que cette bactérie soit habituellement inoffensive sur une peau saine, elle peut devenir dangereuse lorsque la peau est abîmée, rendant les infections plus fréquentes et graves.
Les scientifiques s’intéressent particulièrement à la façon dont cette bactérie interagit avec le système immunitaire des enfants atteints d'EBDR. Bien que la présence de Staphylocoque doré soit systématiquement recherchée chez ces patients, on ignore encore pourquoi certains développent des formes plus sévères de la maladie que d'autres.
L’impact de la bactérie sur l’inflammation
Dans leur étude publiée dans la revue Science Translational Medicine, les scientifiques ont étudié chez les patients atteints d’EBDR la relation entre le Staphylocoque doré présent sur leur peau, leur réponse immunitaire et la sévérité de la pathologie. Les souches bactériennes de la peau de chaque patient ont été génétiquement caractérisées. Chez le même patient, la réponse immunitaire a été étudiée par l'analyse des différentes cellules immunitaires présentes et par leur capacité à produire des cytokines, qui sont des molécules qui jouent un rôle crucial dans la réponse inflammatoire.
Les scientifiques ont découvert que les formes les plus graves sont associées à une réponse immunitaire anormalement intense, marquée par une suractivation de certaines cellules du système immunitaire, appelées cellules T CD4 (lymphocytes T de type auxiliaire) et cellules MAIT (lymphocytes T invariants associés aux muqueuses). Chez les patients plus sévères, ces cellules produisent davantage une cytokine inflammatoire, l’interleukine 17 (IL-17), qui pourrait jouer un rôle central dans les lésions cutanées et la fragilité de la peau. Fait surprenant, certaines souches de Staphylocoque doré, trouvées chez les patients les plus gravement atteints, sont capables d’amplifier cette réponse inflammatoire. Ces bactéries, lorsqu’elles persistent longtemps sur la peau, pourraient entretenir un état d’inflammation chronique, contribuant ainsi à aggraver la maladie.
Les analyses réalisées chez ces enfants ont également révélé des niveaux élevés de molécules inflammatoires, ainsi qu’un déséquilibre des protéines impliquées dans la structure de la peau. Cela suggère l’existence d’un cercle vicieux : infection bactérienne, inflammation excessive, puis plaies de la peau ne cicatrisant pas.
Des pistes prometteuses pour améliorer la prise en charge
En résumé, l’étude montre que les enfants atteints de formes sévères d'EBDR présentent un système immunitaire constamment activé, comme s’il luttait en permanence contre une infection, même en l’absence de danger immédiat. Cette activation chronique ralentit la cicatrisation des plaies et aggrave les symptômes de la maladie. De plus, les souches de Staphylocoque doré présentes sur leur peau semblent plus agressives que celles retrouvées chez des enfants atteints de formes plus modérées.
Ces découvertes ouvrent la voie à une prise en charge plus personnalisée, en prenant en compte à la fois la réponse immunitaire des patients et les caractéristiques des bactéries présentes sur leur peau. À terme, ces avancées pourraient permettre un meilleur suivi de l'évolution de la maladie grâce à des marqueurs dans le sang, évitant ainsi le recours à des biopsies invasives.

Figure : Comparaison entre la peau normale et la peau des patients atteints d’épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (EBDR), présentant des formes modérées et sévères. La peau des patients est fréquemment colonisée par différentes souches de Staphylococcus aureus (S. aureus). Cette infection chronique entraîne une réponse inflammatoire. Les cellules immunitaires, en particulier les lymphocytes T (sous-types CD4 et MAIT), sécrètent alors des cytokines qui participent au processus inflammatoire. Cette réaction est particulièrement intense chez les patients atteints des formes les plus sévères de la maladie.
En savoir plus : Anne Jamet et al. Immune response and clinical severity are shaped by skin-adapted Staphylococcus aureus in chronically infected patients.Sci. Transl. Med.17,eadq7985(2025).DOI:10.1126/scitranslmed.adq7985
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