Quand peu veut dire beaucoup : impact d’un entraînement bref sur le développement neuromusculaire du souriceau
Durant le développement, les réseaux de neurones qui contrôlent nos mouvements et nos muscles se façonnent grâce à l’expérience. Diminuer ou bloquer les mouvements spontanés chez l’embryon ou le bébé nuit gravement au développement du système neuromusculaire mais que se passe-t-il si cette activité motrice est artificiellement accrue très tôt au cours de la vie postnatale ? C’est la question abordée par des scientifiques dans PLoS Biology.
La quête de performance dès la naissance
Les humains cherchent, à tort ou à raison, à atteindre l’excellence et cette quête commence dès la naissance. De nombreux parents stimulent leurs enfants avec des activités comme la natation pour bébés, l’apprentissage de l’anglais à la crèche et l’éveil musical et artistique. L’objectif étant d’en faire des individus brillants, polyvalents et curieux.
Le développement neuromusculaire et l’activité motrice précoce
Pendant le développement embryonnaire et postnatal, notre système nerveux et nos muscles se façonnent à travers l’expérience. Nos gènes posent les bases, un peu comme un plan de construction. Ensuite, les réseaux de neurones dans le cerveau et la moelle épinière s’activent spontanément, provoquant les premières contractions musculaires. Ces mouvements, en retour, envoient des signaux sensoriels au système nerveux, qui ajuste et renforce les connexions pour produire un mouvement efficace.
On sait que l’absence de mouvement pendant le développement — comme dans les cas d’immobilisation ou de paralysie — peut avoir des effets négatifs durables sur la croissance des muscles et la mise en place des circuits nerveux. Mais que se passe-t-il si, au contraire, on augmente l’activité motrice très tôt dans la vie ? Si chez l’adulte les bienfaits de l’activité physique ne sont plus à démontrer, chez le nouveau-né, dont le système nerveux est en plein développement, les effets d’une stimulation motrice accrue restaient jusqu’à ce jour largement méconnus.
Chez le souriceau, une petite stimulation provoque de profonds changements
Dans un article publié dans la revue PLoS Biology, des scientifiques ont donc cherché à savoir quel pouvait être l’impact d’une augmentation de l’activité motrice sur le système neuromusculaire en développement. Pour cela, des souriceaux nouveau-nés ont été soumis à un entraînement moteur très bref : des séances de nage de 5 minutes, deux fois par jour, pendant seulement deux jours. Malgré la brièveté de cette stimulation, ils ont observé des changements notables dans l’ensemble des éléments impliqués dans la production du mouvement — des modifications génétiques, anatomiques et comportementales, qui, pour certains ont perduré plus de 10 jours après la fin de l’entraînement. Chez l’adulte, il faut qu’une souris fasse des centaines de kilomètres dans une roue d’activité pour que des adaptations à peu près semblables soient visibles. Les effets observés dans cette étude ne correspondent pas simplement à une accélération naturelle du développement, mais bien à une véritable adaptation du système neuromusculaire à cette stimulation inhabituelle.
Alors, ces adaptations sont-elles bénéfiques ou potentiellement néfastes ? Cette étude ne permet pas de trancher mais elle met en lumière un point crucial : toute intervention, même légère, sur un système moteur en développement n’est pas anodine. Elle peut modifier durablement la façon dont les circuits nerveux et les muscles se construisent.
Peu veut parfois dire beaucoup.

Figure : Image confocale d'une coupe transversale d'un muscle de la patte arrière d'une souris nouveau-née, montrant les axones des neurones moteurs marqués par le neurofilament (en vert), les synapses entre ces neurones et le muscle, les jonctions neuromusculaires, marquées par l'alpha-bungarotoxine (en bleu), et les fibres musculaires colorées avec la laminine (en rouge).
En savoir plus : Quilgars C, Boué-Grabot E, de Deurwaerdère P, Cazalets JR, Perrin FE, Bertrand SS. Brief early-life motor training induces behavioral changes and alters neuromuscular development in mice. PLoS Biol. 2025 Apr 21;23(4):e3003153. doi: 10.1371/journal.pbio.3003153. PMID: 40258043; PMCID: PMC12052215.
Contact
Laboratoire
Institut de neurosciences cognitives et intégratives d'Aquitaine - INCIA (CNRS/Université de Bordeaux)
2 Rue Dr Hoffmann Martinot
33000, Bordeaux