Quand le virus Zika joue au cheval de Troie, l’invasion est garantie !

Résultats scientifiques Microbiologie

Le virus Zika est responsable de neuropathies graves chez le fœtus comme chez l'adulte. Le virus dissémine jusque dans le cerveau sans que l’on comprenne comment. Dans un article publié dans Nature Communications, les chercheurs démontrent que le virus Zika détourne un processus physiologique en se cachant dans des cellules immunitaires du sang qui vont naturellement migrer vers des organes de l’hôte, favorisant ainsi la dissémination du virus.

Le virus Zika a été découvert dans la forêt Zika (Uganda) il y a plus de 70 ans, mais c’est en 2015, avec l’épidémie qui a frappée le Brésil, que les chercheurs ont identifié les pathologies associées à l’infection. En particulier, l’infection d’une femme enceinte par le virus Zika augmente significativement le risque de sous-développement du cerveau du fœtus. Aujourd’hui, d’autres pathologies neurologiques sont associées à l’infection, même chez les adultes. Cependant,  une question toujours en suspens est de savoir comment le virus Zika atteint le cerveau, malgré la présence d’une barrière hématoencéphalique hermétique (barrières de cellules séparant le sang du cerveau).

Ces travaux, en collaboration avec de nombreux groupes en France et à l’international, ont mis en évidence la capacité du virus à se cacher dans les monocytes (sous-type de globules blancs du sang) et de les forcer à migrer vers le cerveau, afin de passer cette barrière imperméable sans encombres. Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont dû développer un modèle hybride original leur permettant de visualiser en temps réel et en 3 dimensions les vaisseaux sanguins fluorescents d’un poisson-zèbre injecté avec des monocytes humains infectés par le virus Zika. Dans ces conditions, les monocytes exposés au virus ont acquis une plus forte capacité à adhérer à la paroi des vaisseaux sanguins et à migrer vers les tissus que des monocytes non-infectés. Cela constitue l’une des premières preuves expérimentales in vivo que les virus utilisent le concept dit du « cheval de Troie ».

En allant plus loin, les chercheurs ont pu déterminer par spectrométrie de masse que les monocytes infectés présentent à leur surface une augmentation significative de l’expression d’une dizaine de molécules d’adhésion, leur conférant cette capacité à s’attacher aux cellules endothéliales, et donc favoriser leur migration du sang vers les tissus adjacents.

Afin de se rapprocher de conditions plus physiologiques, des « mini-cerveaux » produits in vitro à partir de cellules souches embryonnaires humaines ont également été utilisés dans cette étude pour révéler que les monocytes infectés par le virus Zika favorisent la dissémination du virus dans le cerveau par rapport à des virus n’étant pas transportés par les monocytes.

Enfin, un inhibiteur capable d’empêcher la migration des monocytes infectés, mais pas la migration des monocytes non-infectés, a pu être identifier. Ces résultats prometteurs permettent d’imaginer de nouvelles stratégies visant à empêcher la migration des monocytes vers le cerveau et ainsi éviter l’apparition de pathologies neurologiques induites par le virus.

 

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© Ayala-Nunez et al.
 
Figure : (a) Des embryons de poisson-zèbre exprimant des cellules endothéliales fluorescentes (vert) constituant les vaisseaux sanguins ont été injectés avec des monocytes primaires humains (rose) préalablement infectés par le virus Zika pendant 48 h. (b) Par microscopie confocale, les monocytes sont retrouvés dans les vaisseaux sanguins du poisson-zèbre. (c) Après 6-8 h post-injection, des reconstitution 3D permettent de clairement identifier et quantifier les monocytes se trouvant toujours dans les vaisseaux sanguins (intravascular), ayant migré vers un tissue adjacent (Extravascular), ou bien en court de migration (Transmigrating).

 

Film

Vidéo-microscopie confocale en temps réel d’embryons de poisson-zèbre exprimant des cellules endothéliales fluorescentes (vert) constituant les vaisseaux sanguins et injectés avec des monocytes primaires humains (rose) préalablement infectés par le virus Zika pendant 48 h. Le film montre le passage dans la circulation sanguine de monocytes et l’arrêt de quelques-uns d’entre eux à l’interface avec des cellules endothéliales. Temps réel d’acquisition 53 secondes totales.

Audiodescription

Pour en savoir plus :
Zika virus enhances monocyte adhesion and transmigration favoring viral dissemination to neural cells.

Ayala-Nunez NV, Follain G, Delalande F, Hirschler A, Partiot E, Hale GL, Bollweg BC, Roels J, Chazal M, Bakoa F, Carocci M, Bourdoulous S, Faklaris O, Zaki SR, Eckly A, Uring-Lambert B, Doussau F, Cianferani S, Carapito C, Jacobs FMJ, Jouvenet N, Goetz JG, Gaudin R.
Nat Commun. 2019 Sep 27;10(1):4430. doi: 10.1038/s41467-019-12408-x.

Contact

Raphael Gaudin
Chercheur CNRS à l'Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM) - (CNRS / Université de Montpellier)