Prix de la Fondation pour la recherche médicale 2023 : 4 biologistes du CNRS récompensés

Distinctions

Les Prix de la Fondation pour la Recherche Médicale soutiennent et récompensent chaque année quelques-uns des plus grands talents de la recherche française.
Ils sont créés à l’initiative de mécènes, fortement investis dans la lutte contre la maladie, qui souhaitent associer leur nom ou celui de personnes proches, aux progrès de la recherche.

En 2023, 4 biologistes associés aux unités de recherche de CNRS Biologie ont reçu un prix de la Fondation pour la recherche médicale.

Les prix scientifiques 2023

Les Prix scientifiques distinguent des chercheurs qui, à travers l’originalité de leur parcours professionnel, contribuent au progrès de la connaissance et aux avancées de la recherche médicale d’aujourd’hui et de demain. Créés à l’initiative de donateurs grâce à un don, une donation ou un legs, ils sont destinés à soutenir des recherches spécifiques dans un domaine souhaité par ces derniers. Ils portent le nom du donateur ou celui d’un proche à qui il souhaite rendre hommage. Les lauréats des Prix scientifiques sont sélectionnés par des jurys spécialisés dont les membres appartiennent au Conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche Médicale.

Karine Merienne - Prix Bernadette et Pierre Duban

Élucider le rôle des anomalies épigénétiques dans la maladie de Huntington

Karine Merienne est directrice de recherche au CNRS, dans l’équipe « Épigénétique et dynamique des systèmes de mémoire » au sein du Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives à Strasbourg (CNRS - Université de Strasbourg).

Elle étudie les mécanismes en cause dans la maladie de Huntington, une maladie génétique neurodégénérative et rare qui apparaît chez l’adulte et entraîne progressivement des atteintes cognitives, psychiatriques et motrices. Cette pathologie est due à la dégénérescence primaire des neurones du striatum, une région particulière du cerveau. Des anomalies épigénétiques – qui modifient l’expression des gènes sans en changer la séquence ADN – sont corrélées avec la dérégulation de l’expression des gènes observée dans le striatum des patients.

L’objectif des recherches de Karine Merienne est de comprendre les mécanismes en jeu dans cette dérégulation et son rôle dans la pathologie. Grâce notamment à des modèles de rongeurs mimant la maladie, elle a montré, avec son équipe, que les altérations épigénétiques survenaient de manière précoce, contribuant à une accélération du vieillissement du striatum et aux troubles cognitifs. Elle se propose maintenant d’étudier différents stades de la maladie, couvrant des stades plus précoces et tardifs. Par des approches pointues, elle veut distinguer les anomalies épigénétiques des neurones de celles des autres cellules cérébrales qui les entourent. Elle espère ainsi identifier des mécanismes clés qui pourraient être ciblés en vue d’interventions thérapeutiques.

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© Julie Bourges

Patrick Blanco - Prix Fondation Guillaumat-Piel

Utiliser une molécule issue de cellules cancéreuses pour traiter des maladies auto-immunes

Patrick Blanco est immunologiste, Professeur des Universités - Praticien hospitalier, chef du service d'immunologie et immunogénétique au CHU de Bordeaux et coresponsable de l’équipe « Origines et pathogenèse des maladies auto-immunes et inflammatoires » dans l’unité « Immunologie conceptuelle expérimentale et translationnelle – ImmunoConcEpT » (CNRS – Inserm – Université de Bordeaux).

Il ambitionne de mettre à profit les propriétés d’un peptide – une petite protéine – produit par des cellules cancéreuses et découvert par son équipe, pour traiter des maladies auto-immunes (caractérisées par un emballement du système immunitaire). En effet, pour se développer, les tumeurs ont la capacité de bloquer la réponse immunitaire de l’organisme, échappant ainsi à sa surveillance et à leur destruction par les cellules immunitaires spécialisées. C’est ce concept qui inspire les travaux du Professeur Blanco. En utilisant une lignée de cellules tumorales, son équipe a ainsi identifié un peptide capable d’exercer une action régulatrice sur l’inflammation et les réponses immunitaires médiées par les lymphocytes B, les cellules immunitaires qui produisent les anticorps. Il s’agit maintenant d’élucider son mode d’action afin de développer une stratégie thérapeutique innovante susceptible de contrer les réponses immunitaires exacerbées présentes dans les maladies auto-immunes chroniques comme le lupus érythémateux disséminé ou le syndrome de Gougerot-Sjögren, qui touchent différents organes.

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© Julie Bourges

Florence Margottin-Goguet - Prix Lucien Tartois

Éclairer les mécanismes d’attaque et de défense dans l’infection par le virus du sida

Florence Margottin-Goguet est directrice de recherche à l’Inserm et coresponsable de l’équipe « Rétrovirus, infection et latence » à l’Institut Cochin (Inserm – CNRS – Université Paris Cité), à Paris.

Ses travaux visent à comprendre les mécanismes de défense des cellules de l’organisme lors de l’infection par les virus, en particulier VIH-1 et VIH-2 qui sont responsables du sida. Elle étudie aussi en retour la manière dont la machinerie virale contourne ces défenses. Elle s’intéresse notamment à un complexe protéique présent dans les cellules, appelé HUSH. Son équipe a en effet découvert que celui-ci inhibait l’expression des gènes viraux. En maintenant le virus à l’état silencieux au sein de la cellule infectée, HUSH pourrait ainsi contribuer à la persistance du virus dans l’organisme au sein de cellules « réservoirs », et ce, malgré les traitements antiviraux. L’équipe de Florence Margottin-Goguet a montré en outre que des protéines virales spécifiques inactivent le complexe HUSH en le détruisant, illustrant la bataille moléculaire qui se joue entre le virus et les cellules qu’il infecte.

Un des objectifs de la chercheuse est d’expliciter ces mécanismes d’attaque et de défense afin de développer une stratégie thérapeutique innovante contre le virus du sida. Le complexe HUSH est aussi impliqué dans d’autres pathologies comme le cancer, ce qui élargit les possibilités d’application de ces travaux.

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© Julie Bourges

 

Mohamed-Ali Hakimi - Prix Jacques Piraud

Décrypter les mécanismes de l’infection chronique par le parasite de la toxoplasmose

Mohamed-Ali Hakimi est directeur de recherche à l’Inserm, responsable de l’équipe « Toxoplasmose & Hôte-parasite coévolution » à l’Institut pour l'Avancée des Biosciences (Université Grenoble Alpes – Inserm – CNRS), à Grenoble.

Il mène des travaux sur la toxoplasmose, une maladie potentiellement sévère chez les personnes au système immunitaire affaibli et sur le parasite qui provoque la maladie. Ce parasite, appelé Toxoplasma gondii, déploie des mécanismes sophistiqués pour prendre le contrôle de la cellule qu’il infecte. Il présente également un cycle de vie complexe, impliquant des formes dormantes et infectieuses ainsi que des hôtes intermédiaires (oiseaux, rongeurs, gibier, animaux d’élevage ou Homme) et un hôte final, le chat.

L’équipe de Mohamed-Ali Hakimi étudie le cycle de vie complexe de Toxoplasma gondii, à la recherche des interrupteurs moléculaires qui lui permettent de contrôler l’expression des gènes de la cellule hôte, sa persistance dans l’organisme ou le passage entre ses différentes formes et sa transmission à une multitude d’hôtes. Les scientifiques ont ainsi découvert le rôle majeur de mécanismes épigénétiques (qui induisent des modifications de la structure du matériel génétique de la cellule hôte) dans ces processus.

Par ailleurs, son équipe recherche des marqueurs sanguins d’infection chronique pour un diagnostic plus efficace et explore de nouvelles options thérapeutiques. Autant de pistes qui devraient améliorer la prise en charge de la toxoplasmose.

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© Julie Bourges