Prix 2025 de la Fondation Bettencourt Schueller : 7 scientifiques du CNRS récompensés
Ce mardi 2 décembre, la Fondation Bettencourt Schueller a distingué neuf scientifiques d’exception en sciences de la vie. Françoise Bettencourt Meyers, présidente de la Fondation, et le professeur Hugues de Thé, président du conseil scientifique de la Fondation ont remis le Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant et la dotation du programme ATIP-Avenir. Sept scientifiques ont également été récompensés dans le cadre d'Impulscience®, en présence d’Emmanuelle Charpentier, Prix Nobel de chimie 2020 et marraine de ce programme.
Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant
Le Prix récompense chaque année un scientifique européen de moins de 45 ans reconnu par la communauté scientifique pour son parcours exceptionnel et pour l'impact de ses contributions dans son domaine de recherche.
Abdou Rachid Thiam, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique de l’ENS
Spécialiste des interfaces entre physique et biologie, Abdou Rachid Thiam s’attache à comprendre comment les cellules organisent et réagencent leurs compartiments internes, les organites, pour répondre à leurs besoins en énergie. Il étudie en particulier les gouttelettes lipidiques, véritables réservoirs de lipides dont l’équilibre conditionne l’homéostasie cellulaire et dont les dysfonctionnements sont impliqués dans de nombreuses pathologies. En mobilisant des outils issus de la physique, la microfluidique, les mesures à haute précision, mais aussi de la chimie, son équipe révèle comment ces gouttelettes se forment, interagissent avec d’autres organites et régulent le métabolisme. Lauréat du Prix Liliane Bettencourt pour les sciences du vivant 2025, Abdou Rachid Thiam poursuit une approche résolument interdisciplinaire, essentielle pour mieux comprendre des maladies comme le diabète de type 2 ou la stéatose hépatique.
Impulscience®
Sept chercheuses et chercheurs intègrent le programme Impulscience ®, qui leur offre un accompagnement durable sur cinq ans et un soutien financier de haut niveau. Chaque lauréat bénéficiera d’une dotation financière de 2,3 millions d’euros pour investir dans des équipements de pointe et recruter des talents dans leur équipe de recherche à Paris, Grenoble, Nice ou Toulouse.
Camille Berthelot, directrice de recherche Inserm au laboratoire Génétique des génomes (Institut Pasteur)
Projet : Évolution fonctionnelle de la muqueuse utérine chez les mammifères placentaires
Camille Berthelot s’intéresse à un phénomène encore peu exploré : comment le tissu utérin parvient à se régénérer tout au long de la vie reproductive, et pourquoi ce processus varie autant entre les espèces. En comparant les mécanismes cellulaires et génétiques à l’œuvre chez différents mammifères, son équipe cherche à comprendre comment l’utérus a pu évoluer pour concilier reproduction, régénération et santé. Grâce au soutien d’Impulscience®, Camille Berthelot et son équipe vont explorer ce paradoxe évolutif en mettant en lumière les principes génétiques et moléculaires des adaptations qui sont apparues dans l’utérus et qui permettent de maintenir la fertilité tout au long de la vie reproductive. Ses travaux pourraient également éclairer les causes profondes de certaines pathologies féminines, comme l’endométriose.
Raphaël Ceccaldi, directeur de recherche Inserm au laboratoire Chimie et biologie du cancer (Institut Curie)
Projet : Résolution et devenir des cassures de l’ADN en mitose : étude de la stabilité du génome et découverte de nouvelles vulnérabilités des tumeurs
Raphaël Ceccaldi explore un champ de recherche ancien mais en pleine redéfinition : la réparation de l’ADN, et plus précisément des cassures qui touchent ses deux brins — les plus graves et les plus menaçantes pour la stabilité du génome. Son équipe s’attache à comprendre comment certaines cellules, notamment dans les cancers du sein et de l’ovaire, parviennent à survivre malgré ces lésions. Contrairement à ce que l’on pensait depuis des décennies, ses travaux ont révélé qu’une réparation de l’ADN pouvait avoir lieu pendant la mitose, alors même que le matériel génétique est condensé sous forme de chromosomes, un environnement a priori incompatible avec la réparation. Grâce au soutien d’Impulscience® et à des équipements de recherche pointus, son équipe va étudier comment cette voie de secours fonctionne dans la cellule pour comprendre comment les cellules cancéreuses « défont le nœud » de leur ADN compacté afin de se réparer et de survivre. Ces recherches visent à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour fragiliser les tumeurs dépendantes de ces mécanismes et ouvrir la voie à de nouveaux traitements des cancers féminins.
Gergő Gógl, chargé de recherche Inserm à l’Institut de biologie Valrose
Projet : Caractérisation des motifs de fonction inconnue dans le protéome humain
Gergő Gógl s’attaque à l’un des défis majeurs de la biologie cellulaire : comprendre comment les protéines interagissent entre elles pour coordonner les fonctions essentielles de la cellule. Il s’intéresse particulièrement aux « motifs d’interaction linéaires courts », de minuscules séquences situées dans les régions désordonnées des protéines. Leurs interactions sont extrêmement brèves, mais décisives, et leurs mutations sont fréquemment associées à des maladies comme le cancer. En développant une méthode innovante, nHU, capable de capturer ces contacts éphémères à grande échelle, son équipe commence à révéler les partenaires de ces motifs longtemps restés orphelins. Soutenu par Impulscience ®, son projet repose sur la combinaison inédite de biophysique et analyse quantitative pour cartographier ces réseaux de régulation fine et mieux comprendre comment leur altération contribue à l’émergence de pathologies humaines.
Filipe Pinto Teixeira, chargé de recherche CNRS au Centre de biologie intégrative
Projet : Coordination de la synaptogenèse et utilisation des neurorécepteurs
Filipe Pinto Teixeira cherche à décrypter comment les neurones s’organisent pour former des circuits précis et fonctionnels au cours du développement du cerveau. En étudiant un modèle d’une grande puissance expérimentale – le système visuel de la mouche Drosophile – son équipe observe en temps réel comment les neurones établissent leurs premiers contacts, sélectionnent les bons partenaires et construisent leurs synapses avec une précision remarquable. Grâce au soutien combiné d’ATIP - Avenir (2019) et d’Impulscience ®, il mobilise des techniques d’imagerie avancée, de génétique et d’analyse moléculaire pour comprendre comment chaque neurone coordonne la production et l’acheminement de ses protéines synaptiques, au bon endroit et au bon moment. En révélant les principes qui gouvernent le câblage du cerveau, ce projet éclaire les bases du fonctionnement neuronal et les mécanismes dont dépend la formation des circuits sensoriels.
Sophie Polo, directrice de recherche Inserm au laboratoire Epigénétique et destin cellulaire
Projet : Établissement et maintien du chromosome X inactif en réponse aux cassures de l’ADN
Sophie Polo explore un territoire du génome que personne n’avait véritablement étudié jusqu’ici : l’effet des cassures de l’ADN sur l’inactivation du chromosome X chez les mammifères femelles. Ce sujet exige de réunir deux domaines qui, jusqu’à présent, évoluaient séparément — la réponse cellulaire aux dommages de l’ADN et la biologie de l’inactivation du chromosome X. En mobilisant des approches innovantes d’édition du génome, de protéomique et d’imagerie, son équipe cherche à comprendre comment un chromosome rendu silencieux très tôt au cours du développement réagit face à une cassure double brin, et comment son inactivation se maintient malgré ces stress. Soutenu par Impulscience®, ce projet pionnier pourrait aider à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, l’altération de l’épigénome et du chromosome X inactif étant notamment observée dans certains cancers. Il permettra également de mieux comprendre pourquoi certaines pathologies affectent différemment les femmes et les hommes.
Germán Sumbre, directeur de recherche Inserm à l’Institut de biologie de l’École Normale Supérieure
Projet : L’évolution des circuits neuronaux et du comportement sous- jacent à la navigation chez les poissons cavernicoles
Germán Sumbre cherche à comprendre comment les animaux construisent dans leur cerveau une représentation de l’espace et ajustent leurs stratégies de navigation lorsque leur environnement change radicalement. Pour explorer ces mécanismes, son équipe étudie un modèle exceptionnel : le poisson Astyanax mexicanus, dont certaines populations vivent dans des grottes depuis des millénaires et ont évolué sans yeux, en s’appuyant sur d’autres sens pour se repérer. En comparant ces poissons cavernico les à leurs cousins de rivière grâce à l’imagerie cérébrale, la génétique, l’optogénétique ou encore la réalité virtuelle, Germán Sumbre cherche à comprendre comment les circuits neuronaux se réorganisent pour intégrer lumière, sons, courants d’eau ou signaux corporels. Soutenu par Impulscience®, ce projet interdisciplinaire éclaire l’adaptation des mécanismes de navigation chez les vertébrés et la manière dont le cerveau ajuste ses calculs face à des environnements profondément transformés.