Pour la taille d’une cellule, c’est la rigidité de l’enveloppe qui compte

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

La taille des cellules varie énormément entre espèces et joue un rôle clé pour le fonctionnement des cellules et des tissus. En développant de nouvelles méthodes permettant de sonder la rigidité de la surface des cellules, des chercheurs ont démontré que la taille d’une cellule est intrinsèquement liée à la rigidité de l'enveloppe entourant les cellules.  Cette relation permet d’assurer la survie cellulaire en limitant les déformations et en prévenant les déchirures de l’enveloppe. Ces résultats sont publiés dans la revue PNAS.

L’un des grands challenges de la morphogénèse est de comprendre comment la taille et la forme d’une cellule sont contrôlées par le fonctionnement biochimique et biomécanique de la cellule. Les cellules à paroi — bactéries, champignons, algues et plantes – sont entourées par une enveloppe fine et rigide composée de chaînes de sucres réticulés, appelée paroi cellulaire. La paroi protège les cellules et joue un rôle essentiel dans leur forme et leur croissance, représentant ainsi une cible primordiale des antibiotiques et antifongiques. Comment la paroi permet-elle l’existence de cellules aux tailles variées, allant des bactéries micrométriques jusqu’aux cellules dépassant le centimètre chez les algues géantes ?

Dans cette étude, les chercheurs utilisent les ressources génétiques disponibles chez la levure à fission S. pombe et des espèces voisines pour mesurer systématiquement les propriétés élastiques (la rigidité) de la paroi dans une batterie de mutants ayant des tailles variées. Ces mesures ont été permises par le développement d’une nouvelle approche de microscopie optique permettant de cartographier l’épaisseur de la paroi avec une résolution de quelques nanomètres, largement inférieure à la résolution ordinaire d’un microscope optique, couplée à une observation du dégonflement de cellules après les avoir percées avec un rayon laser. Cette approche donne pour la première fois accès aux propriétés élastiques locales de la paroi dans un grand nombre de cellules.

Les chercheurs ont découvert que, dans un grand nombre de conditions expérimentales, chez diverses espèces de levures et chez des levures mutantes, la taille des cellules augmente avec la rigidité de la paroi. Cette rigidification permet de limiter les déformations de la paroi et d’éviter qu’elle se déchire, ce qui est essentiel pour la survie des cellules.

figure_minc
Figure : Lien entre taille cellulaire et rigidité de la paroi. A. Comment la géométrie locale d’une cellule dépend-t-elle des paramètres mécaniques de la paroi, comme l’épaisseur et la rigidité ? B. Méthode de super-résolution optique permettant de mesurer l’épaisseur locale de la paroi. La carte d’épaisseur est représentée en bas avec un code couleur (rouge plus épais et bleu plus mince). C. Le dégonflement d’une cellule, après qu’elle ait été percée avec un rayon laser, permet de calculer la rigidité locale de la paroi. D et E Corrélation entre rayon de la cellule et rigidité de la paroi (calculé comme le produit de l’épaisseur et de l’élasticité) pour une série de mutants de levure à fission S. pombe ayant des tailles différentes (D) et chez des espèces cousines de S. pombe ayant des tailles différentes (E).

© Valeria Davì & Nicolas Minc

 

Pour en savoir plus :

Systematic mapping of cell wall mechanics in the regulation of cell morphogenesis.
Davì V, Chevalier L, Guo H, Tanimoto H, Barrett K, Couturier E, Boudaoud A, Minc N.

Proc Natl Acad Sci U S A. 2019 Jun 24. pii: 201820455. doi: 10.1073/pnas.1820455116. [Epub ahead of print]

Contact

Nicolas Minc
Chercheur CNRS à l'Institut Jacques Monod (IJM) - (CNRS/Université de Paris)
Arezki Boudaoud
Enseignant-chercheur à l'unité Reproduction et développement des plantes (RDP) - (CNRS/Univ. Claude Bernard/ENS Lyon/INRA)