Ovaires, le gène Wt1 à l’origine de cette détermination sexuelle enfin identifié

Résultats scientifiques Développement, évolution

Lorsque le gène SRY, le déterminant testiculaire des mammifères, a été découvert en 1990, la communauté scientifique pensait que les autres gènes impliqués dans le processus de détermination du sexe seraient facilement et rapidement identifiés. Il aura pourtant fallu plus de 30 ans, pour identifier un facteur essentiel à l’initiation du développement ovarien. Ce facteur est un variant d’épissage du gène Wt1, dont le rôle dans la détermination du sexe vient d’être révélé dans un article publié dans la revue Science.

Chez la plupart des mammifères, le sexe biologique est déterminé lors de la fécondation. La mère transmet le chromosome sexuel X tandis que le père transmet un chromosome X ou Y. Ainsi, l’embryon XX devient une femelle tandis qu’un individu XY devient un mâle grâce au processus développemental appelé « détermination du sexe ». Ce processus permet à la gonade indifférenciée de se développer en ovaire ou en testicule respectivement, initiant ainsi tout le développement sexuel de l’individu. Chez l'humain, ce processus a lieu entre la 5e et 7e semaine de développement et, chez la souris, le développement testiculaire est initié à 11,5 jpc (jour post coitum) et le développement ovarien débute à 12,0 jpc.

L’origine de la différenciation de l’ovaire demeurait énigmatique jusqu'à aujourd’hui
 

Chez les mâles, le programme de différenciation testiculaire est gouverné par le gène Sry, localisé sur le chromosome Y. Sry active différents gènes cibles dont Sox9, qui est nécessaire à la différenciation des cellules de soutien mâles, les cellules de Sertoli. Ces cellules sont non seulement nécessaires au développement du testicule mais également à la mise en place et au maintien de la spermatogenèse, le processus de développement des spermatozoïdes.

Chez la femelle, les éléments nécessaires au maintien de la différenciation de la gonade sont connus. Cependant, l’origine de la différenciation de l’ovaire demeurait énigmatique jusqu'à aujourd’hui. L’analyse des profils génétiques des patients affectés par des différences de développement sexuel permet aux chercheurs de déduire qu’un des gènes importants pour la détermination du sexe est le gène Wt1 (Wilms’ tumor suppressor).

Le déséquilibre des variants du gène Wt1, responsable du syndrome de Frasier
 

Le gène Wt1 code pour une protéine du même nom. Par un processus appelé épissage alternatif, ce dernier produit deux variants, qui donneront ainsi deux versions différente de la protéine : une sans les acides aminés KTS (lysine, thréonine et sérine), que l’on appelle -KTS et une avec les acides aminés KTS, appelée +KTS. Les mutations conduisant à un déséquilibre de la production de ces isoformes (des protéines de différentes formes provenant d’un même gène) sont responsables du syndrome de Frasier, une maladie génétique qui se caractérise par une altération de la fonction rénale et par la féminisation de l’appareil génital des patients XY.

Pour analyser le rôle de ces isoformes +KTS et -KTS dans le développement de la gonade, les scientifiques ont revisité des modèles de souris n’exprimant qu’une de ces deux isoformes et ont montré que :

  • l’absence de -KTS empêche la différenciation des cellules de soutien femelles, les cellules de la granulosa, qui entourent l’ovocyte, et tout développement de l’ovaire. Les cellules restent bloquées à un stade de cellules progénitrices, pas encore différenciées.
  • la surexpression de -KTS accélère le développement ovarien empêchant l’activation du gène Sry dans la gonade XY. Cette gonade devient un ovaire en lieu et place d’un testicule. Ces résultats expliquent le mécanisme à l’origine de l’inversion sexuelle du syndrome de Frasier.

Une protéine clé pour l’étude des différences de développement sexuel
 

Dans cette étude, les scientifiques montrent que l’isoforme –KTS est essentielle et indispensable au développement ovarien et place ce variant de Wt1 en haut de la cascade nécessaire à la différenciation sexuelle femelle. Comme cette isoforme de WT1 agit très tôt dans la différenciation de la gonade en ovaire ou testicule, elle fournit un point d'entrée idéal pour identifier les gènes régulateurs impliqués dans l'initiation du développement ovarien. Étudier cette protéine devrait permettre d’identifier les bases moléculaires et génétiques des différences encore inexpliquées du développement sexuel.

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© Elodie Gregoire et Marie-Christine Chaboissier
Légende : Modèle de différenciation des cellules de soutien dans les gonades de type sauvage et mutantes KTS : L’absence de -KTS dans les gonades induit une dysgénésie gonadique alors que sa surexpression entraîne une différenciation ovarienne quel que soit le sexe génétique XX ou XY.

En savoir plus : 
GregoireE.P., De Cian M.C., Migale R., Perea-Gomez A., Schaub S., Bellido-Carreras N., Stevant I., Mayere C., Neirijnck Y., Loubat A., Rivaud P., Llorian Sopena M., Lachambre S., Linssen M.M., Hohenstein P., Lovell-Badge R., Nef S., Chalmel F., Schedl A. and ChaboissierM.C. (2023). The -KTS splice variant of WT1 is essential for ovarian determination in mice. Science 382(6670):600-606. PMID: 37917714. DOI: 10.1126/science.add8831

Contact

Marie-Christine Chaboissier
Directrice de recherche CNRS à l'Institut de Biologie Valrose (iBV)

Laboratoire

Institut de biologie Valrose - iBV (CNRS/Inserm/Université Côte d'Azur)
Parc Valrose
06108 Nice 

Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires - INFINITy (CNRS/Inserm/Université Toulouse III Paul Sabatier)
Place du Dr Baylac
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