Nouvelles perspectives pour les greffes de cellules souches hématopoïétiques

Résultats scientifiques

Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont les fondatrices de nos systèmes sanguin et immunitaire. Elles sont rares, difficiles à isoler mais essentielles dans des approches thérapeutiques de greffe. Dans un article publié dans la revue Cell Stem Cell, les scientifiques ont réussi à générer in vitro des cellules souches hématopoïétiques humaines, à partir de cellules adultes reprogrammées en cellules pluripotentes (cellules souche pluripotentes induites humaines ou iPSC). Ce travail fournit donc un rationnel préclinique inédit pour une nouvelle approche thérapeutique qui utilise les greffes de CSH dans le cas d’hémopathies ou pathologies inflammatoires.

Les cellules souches hématopoïétiques (CSHs) sont responsables du renouvellement quotidien de toutes nos cellules sanguines. Elles sont aussi à la base des effets curatifs à vie de la transplantation des greffons hématopoïétiques nécessaires dans le traitement d’hémopathies malignes comme les leucémies. La demande de greffons a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, ce qui entraîne des difficultés majeures et nécessite l’exploration de nouvelles sources potentielles.

Les cellules souches hématopoïétiques sont présentes toute la vie de l’individu et résident chez l’adulte dans la moelle osseuse, mais en très petites quantités. Elles sont produites très tôt au cours du développement, au niveau de l’aorte de l’embryon. Elles sont générées dans la paroi ventrale de l’aorte, à partir d’un type particulier de cellules endothéliales, qualifié d’hémogénique, par un processus appelé "transition endothélio-hématopoïétique". Les cellules endothéliales sont les cellules qui tapissent les parois des vaisseaux sanguins,

De précieux outils de thérapie cellulaire pour la médecine régénérative de demain
 

En 2007, Le Pr Yamanaka (Prix Nobel 2012) a conçu un protocole pour générer des cellules très proches des cellules souches embryonnaires : les cellules souches pluripotentes induites humaines (iPSCs). Ces cellules proviennent de cellules différenciées qui sont reprogrammées en cellules pluripotentes c’est-à-dire des cellules capables de se différencier potentiellement dans toutes les cellules du corps humain. Ces iPSCs sont de précieux outils de thérapie cellulaire car elles représentent la médecine régénérative de demain.

Dans un article publié dans la revue Cell Stem Cell, les scientifiques décrivent un système de culture d’iPSCs permettant de produire des CSHs transplantables, greffables et totalement fonctionnelles en une seule étape, sans co-culture et sans aucune modification du génome. Ce système passe par la production de structures tri-dimensionnelles appelées corps embryoïdes qui contiennent un mélange de types cellulaires dérivés des trois feuillets primordiaux de l’embryon (ectoderme, mésoderme et endoderme). Après injection dans des souris immunodéprimées, et donc capables d’accepter des greffes de cellules humaines sans rejet, les corps embryoïdes donnent des cellules qui s'installent dans la moelle osseuse et forment une population hématopoïétique robuste, transplantable en série, capable de produire tous les types de cellules sanguines différenciées. Elles ont donc les mêmes caractéristiques que les CSHs.

Les scientifiques ont étudié les gènes actifs (exprimés) dans les différentes cellules des corps embryoïdes. Ils ont ainsi utilisé une technique appelée "transcriptome en cellule unique", qui permet d'analyser les profils d'expression génique à l'échelle individuelle des cellules. Les résultats de l'analyse montrent qu'il y a une variété importante de types cellulaires présents dans les corps embryoïdes. Parmi les différents types cellulaires identifiés, les chercheurs ont identifié une population spécifique de cellules hématopoïétiques. Ces cellules issues des corps embryoïdes ressemblent, du point de vue de l'activité génique, aux cellules souches hématopoïétiques trouvées naturellement dans l'aorte embryonnaire humaine autour du 35e jour de développement. Cette caractéristique leur confère la capacité à se nicher dans la moelle osseuse, à y produire l’ensemble des lignages hématopoïétiques humains (globules rouges, globules blancs, lymphocytes…) et à s’y multiplier comme attesté par la greffe dans plusieurs souris successives,

Des cellules endothéliales hémogéniques ainsi que d’autres types cellulaires non-hématopoïétiques normalement trouvés dans l’aorte embryonnaire sont aussi présents montrant par là même que ce le système de culture mime les évènements de production hématopoïétique se produisant dans l’aorte de l’embryon humain autour de 35 jours de développement.

Pour les scientifiques, ces résultats démontrent qu’il est possible de répliquer l’usine de fabrication de cellules souches hématopoïétiques à visée thérapeutique à partir d’iPSCs. Cette découverte permettra, en outre, d’identifier les régulateurs clés de la production de CSHs au cours du développement humain.

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© Thierry Jaffredo
Figure : Schéma expérimental conduisant à la production de cellules souches hématopoïétiques humaines à partir de cellules souches pluripotentes induites.
Les cellules pluripotentes induites humaines (iPS) sont cultivées dans un milieu en présence de facteurs de croissance promouvant l’apparition du mésoderme et des cellules endo-hématopoïétiques. Après 17 jours de culture, les cellules se sont différenciées et forment des corps embryoïdes qui sont des sphères de cellules. Ces corps embryoïdes sont dissociés et les cellules sont injectées dans la circulation de souris immunodéficientes pour éviter le rejet des cellules humaines. Après 20 semaines, la moelle osseuse des souris est analysée pour la présence de cellules hématopoïétiques humaines. Cette analyse se fait par cytométrie en flux afin de reconnaitre et mesurer les pourcentages de cellules hématopoïétiques humaines dans la moelle osseuse des souris (A), par tests fonctionnels de formation de colonies et identification cytologique des cellules (B) et par transcriptomique sur cellules uniques afin d’identifier précisément les populations cellulaires présentes dans la moelle (C). A l’issue des 20 semaines, une fraction de la moelle osseuse des souris primaires est injectée à des souris receveuses secondaires. Les mêmes tests sont appliqués 20 semaines après la seconde greffe. Cet ensemble de tests montre que nous générons des cellules souches hématopoïétiques capables de reconstituer la totalité du système hématopoïétique adulte humain.

En savoir plus :
Generation of transgene-free hematopoietic stem cells from human induced pluripotent stem cells. 
Olivier Piau, Mathias Brunet-Manquat, Bruno L’Homme, Laurence Petit, Brigitte Birebent, Christine Linard, Laetitia Moeckes, Thomas Zuliani, Hélène Lapillonne, Marc Benderitter, Luc
Douay, Alain Chapel, Laurence Guyonneau-Harmandand Thierry Jaffredo. Cell Stem Cellhttps://doi.org/10.1016/j.stem.2023.11.002

 

Contact

Thierry Jaffredo
Directeur de recherche CNRS
Laurence Guyonneau-Harmand
Chargée de recherche EFS

Laboratoires

Laboratoire de biologie du développement (CNRS/Sorbonne Université) 
9, Quai St Bernard,
75252 Paris Cedex 05 France

Centre de Recherche Saint Antoine
Etablissement Français du Sang Ile de de France
27 rue Chaligny
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