"Metabolic contest", une nouvelle façon de contrôler l’utilisation des sources de carbone

Résultats scientifiques Microbiologie

Dans cet article publié dans la revue PLoS Biology, les scientifiques décrivent un nouveau mécanisme moléculaire permettant aux trypanosomes, parasites responsables de la maladie du sommeil, de contrôler et de prioriser l’utilisation des sources de carbone. En utilisant des approches biochimiques, métabolomiques et de génétique inverse, ils ont élucidé le mécanisme de la préférence pour le glycérol par rapport au glucose, qui est basé sur la compétition entre deux enzymes pour le même substrat.

Les micro-organismes doivent faire le bon choix en matière de consommation de nutriments pour s'adapter à leur environnement changeant. En conséquence, les bactéries et les levures ont développé des mécanismes de régulation connus sous le nom de "répression catabolique", permettant de réorienter le métabolisme cellulaire pour maximiser la consommation d'une source de carbone énergétiquement efficace. Ces mécanismes complexes impliquent la détection et la signalisation des nutriments au travers de cascades de phosphorylation. Les scientifiques présentent un nouveau mécanisme appelé "metabolic contest" permettant de réguler l'utilisation des sources de carbone sans détection des nutriments ni activation d'une voie de signalisation.

Trypanosoma brucei est un eucaryote unicellulaire transmis par un insecte vecteur (mouche tsé-tsé) et responsable de la trypanosomiase humaine africaine ou maladie du sommeil. Contrairement à la plupart des microorganismes, ce parasite développe une préférence métabolique pour le glycérol par rapport au glucose; la consommation de glucose commençant après l'épuisement du glycérol présent dans le milieu. Ce "metabolic contest" dépend de la combinaison de trois conditions :

(i) la séquestration des deux voies métaboliques en compétition dans le même compartiment subcellulaire - ici dans les glycosomes, organites apparentés aux péroxysomes;

(ii) la compétition pour le même substrat , l'ATP, de deux enzymes - ici la glycérol kinase et l'hexokinase, qui catalysent respectivement la 1ère étape des voies métaboliques du glycérol et du glucose;  

(iii) une activité déséquilibrée entre les enzymes en compétition - ici l'activité glycérol kinase est 74 fois plus élevée que l'activité hexokinase.

La conséquence est l'utilisation de l'ATP glycosomale par la glycérol kinase au détriment de l'hexokinase, laquelle reste inactive en présence de glycérol.

En théorie, ce type de mode de régulation des flux métaboliques pourrait se trouver dans tous les organismes, si ces trois conditions sont remplies. L'avantage du "metabolic contest" par rapport à la "répression catabolique" est principalement un passage immédiat à la source de carbone la moins préférée lorsque la source préférée est épuisée, et ce avec un coût énergétique minimal puisqu'aucune régulation de l'expression génétique n'est nécessaire.

figure
© Frédéric Bringaud
Figure : mécanisme moléculaire unique ("metabolic contest") expliquant la préférence des trypanosomes pour le glycérol, alors que le glucose est généralement préféré par les micro-organismes. Dans les glycosomes du parasite (observés à gauche en vert avec des anticorps anti-PEX11), la glycérol kinase (GK) et l'hexokinase (HK) sont en compétition pour le même pool d'ATP (décrit au centre). L'activité de la GK étant 74 fois plus élevée que celle de l’HK, le glycérol est rapidement métabolisé, alors que le glucose ne l'est pas en présence de glycérol. Il en résulte que le glucose est utilisé une fois la totalité du glycérol consommée (à droite, carré et rond blancs).

Pour en savoir plus :
Glycerol suppresses glucose consumption in trypanosomes through metabolic contest Allmann S., M. Wargnies, E. Cahoreau, M. Biran, N. Plazolles, P. Morand, E. Pineda, H. Kulyk-Babier, C. Asencio, O. Villafraz, L. Rivière, E. Tetaud, B. Rotureau, A. Mourier, J.-C. Portais, & F. Bringaud
PLoS Biology
13 aout 2021. doi: 10.1371/journal.pbio.3001359

 

Contact

Frédéric Bringaud
Chercheur CNRS au Laboratoire de microbiologie fondamentale et pathogénécité (CNRS/Université de Bordeaux)

laboratoire

Laboratoire de Microbiologie Fondamentale et Pathogénicité (MFP) (CNRS/Université de Bordeaux)
146, rue Léo Saignat
33076 Bordeaux cedex – France