Maîtriser la fin de la transcription : un mécanisme clé pour préserver l'intégrité du génome

Résultats scientifiques Génétique, génomique

La transcription des gènes est un processus qui permet de copier l’information génétique contenue dans l’ADN sous forme d’ARN. Dans un article publié dans Nucleic Acids Research, des scientifiques révèlent que plusieurs protéines jouent un rôle central pour arrêter correctement la transcription et éviter l'accumulation d’ARN anormaux, soulignant ainsi un nouveau mécanisme de régulation génétique.

La transcription : un mécanisme contrôlé du début à la fin

L’expression des gènes repose sur un processus fondamental : la transcription, par laquelle l’information génétique contenue dans l’ADN est copiée en ARN, que l’on nomme transcrits à cette étape de leur synthèse. Ce mécanisme, piloté par une enzyme, l’ARN polymérase II, doit être rigoureusement contrôlé, non seulement pour débuter au bon endroit, mais aussi pour s’achever précisément. Un arrêt inapproprié peut conduire à la production de transcrits aberrants, susceptibles d'interférer avec d'autres gènes et d'affecter l'organisation globale du génome. Cette étape finale, appelée terminaison de la transcription, est donc tout aussi critique que l'initiation ou l'élongation, bien que longtemps restée peu étudiée.

Dans une étude récente, publiée dans la revue Nucleic Acids Research, des scientifiques ont identifié un acteur central de ce processus : la protéine SPT6. Connue pour son rôle dans l’accompagnement de la polymérase au cours de l’élongation, SPT6 se révèle également essentielle pour conduire correctement la transcription à son terme. L'absence de SPT6 entraîne une poursuite anarchique de l’activité de l’ARN polymérase II au-delà des limites naturelles des gènes, générant des transcrits anormaux qui peuvent envahir les régions voisines du génome. Cette "fuite transcriptionnelle" souligne l'importance d'une terminaison rigoureusement contrôlée.

SPT6, PCF11 et PNUTS : un réseau de partenaires pour un arrêt contrôlé

SPT6 n'agit pas de manière isolée. Les scientifiques ont mis en évidence sa coopération avec deux autres facteurs clés : PCF11, un élément du complexe de clivage et de polyadénylation qui joue un rôle essentiel dans la terminaison de la transcription et le clivage de l’ARN pré-messager, et PNUTS, un régulateur de la vitesse de l'ARN polymérase en fin de gène. PCF11 favorise le détachement de l'ARN polymérase du brin d’ADN en reconnaissant des signaux spécifiques situés à la fin des gènes, tandis que PNUTS agit en freinant la polymérase pour favoriser un arrêt efficace.

L'étude démontre que SPT6 joue un rôle central pour orchestrer l’action combinée de ces deux partenaires. En facilitant leur recrutement sur l’ARN polymérase II, SPT6 contribue à assurer que la transcription s’achève de façon nette et précise. En cas de défaillance de ce réseau de surveillance, la transcription se prolonge anormalement, favorisant l’émergence de transcrits parasites, notamment dans des régions sensibles comme les promoteurs où peuvent apparaître des ARN non désirés (PROMPTs). Les PROMPTs (Promoter Upstream Transcripts) sont des ARN instables produits à proximité des promoteurs, généralement dans la direction opposée au gène. Ils sont rapidement dégradés par les mécanismes de surveillance, mais leur accumulation en cas de dysfonctionnement peut perturber la régulation de l’expression génique.

Ce contrôle de la terminaison est crucial non seulement pour éviter la collision entre transcriptions voisines, mais aussi pour maintenir une lecture fidèle et ordonnée du programme génétique dans son ensemble.

Terminer pour mieux protéger le génome

Cette étude éclaire des mécanismes fondamentaux longtemps sous-estimés dans la régulation de l'expression des gènes. Elle met en évidence que la terminaison de la transcription est un processus actif, complexe, qui mobilise plusieurs facteurs en synergie. En empêchant la production de transcrits anormaux, SPT6, en collaboration avec PCF11 et PNUTS, contribue directement à préserver l'organisation et la stabilité du génome.

La capacité d’une cellule à activer les bons gènes au bon moment, mais aussi à interrompre proprement leur transcription, est essentielle pour maintenir son identité, sa fonction et son équilibre. Ces résultats rappellent que la fin d'un processus est aussi déterminante que son commencement, et ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux comprendre la régulation fine de l’expression génétique dans les cellules humaines.

© Fabienne Bejjani

Figure : Modèle de régulation de la terminaison de la transcription par SPT6, PNUTS et PCF11 aux promoteurs et aux extrémités 3’ des gènes. A l’extrémité 3’ des gènes, SPT6, PNUTS et PCF11 empêchent la transcription au-delà des signaux de polyadénylation canoniques (readthrough). Au niveau des promoteurs, SPT6 et PNUTS établissent un premier blocage pour limiter la production des ARNs antisens ou PROMPTs. Lorsque ce blocage initial est levé, PCF11 favorise l'accumulation des PROMPTs, soit directement, soit en inhibant le recrutement d'un autre répresseur. Créé avec BioRender. Bejjani, F. (2025) https://BioRender.com/f07e489

En savoir plus : Fabienne Bejjani, Emmanuel Ségéral, Kevin Mosca, Adriana Lecourieux, May Bakail, Meriem Hamoudi, Stéphane Emiliani, Overlapping and distinct functions of SPT6, PNUTS, and PCF11 in regulating transcription termination, Nucleic Acids Research, Volume 53, Issue 5, 24 March 2025, gkaf179, https://doi.org/10.1093/nar/gkaf179

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Fabienne Bejjani
Chercheure Inserm

Laboratoire

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