Lors des parades amoureuses ou endormis, les oiseaux contractent leurs pupilles

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

La pupille régule la quantité de lumière qui pénètre dans l'œil, mais reflète également l'état du cerveau. Chez les mammifères, elle se resserre pendant le sommeil profond lent et se dilate pendant le sommeil paradoxal. Cette étude, publiée dans la revue Current Biology, montre que chez les oiseaux, c'est exactement le contraire qui se produit. Chez le pigeon, pendant l'éveil et le sommeil paradoxal, les pupilles deviennent plus petites, alors qu'elles s'agrandissent pendant le sommeil lent. Le comportement pupillaire inattendu des oiseaux ouvre ainsi une nouvelle fenêtre sur le cerveau endormi, ce comportement étant notamment retrouvé pendant les parades amoureuses.

La pupille joue littéralement un rôle central dans la vision, régulant la quantité de lumière tombant sur la rétine. S'il fait sombre, la pupille s'élargit et laisse passer beaucoup de lumière. S'il fait clair, elle se rétrécit et nous empêche d'être aveuglés. Cependant, elle ne se contente pas de réguler l'incidence de la lumière, elle reflète également les émotions et l'état du cerveau. Si nous sommes excités ou concentrés, par exemple, les pupilles s'agrandissent - sans que nous puissions l'influencer.

Chez les oiseaux, la taille des pupilles n'a jamais été systématiquement étudiée. Pourtant, la contraction rapide des pupilles est une caractéristique bien connue du langage corporel des oiseaux. Cette étude du comportement des pupilles chez les pigeons révèle de manière surprenante, les pupilles des pigeons mâles sont devenues plus petites pendant la parade nuptiale, contrairement aux mammifères, chez qui les pupilles se dilatent pendant l'excitation.

Récemment, il a été démontré chez la souris que la taille des pupilles change également pendant le sommeil : Dans le sommeil lent profond avec un comportement calme, les pupilles se resserrent ; dans le sommeil paradoxal plus actif, elles peuvent se dilater lentement. Les scientifiques ont donc examiné le comportement des pupilles des oiseaux endormis. Les paupières transparentes des pigeons et un système de caméra dédié leur ont permis d'enregistrer la taille des pupilles même lorsque les oiseaux avaient les yeux fermés et dans l'obscurité. Là encore, les pupilles des oiseaux ont fait le contraire de celles des mammifères : elles se sont dilatées pendant le sommeil lent, mais pendant le sommeil paradoxal, les pupilles se sont rapidement contractées plus de 1 000 fois par nuit, un phénomène que les chercheurs ont appelé "mouvements rapides de l'iris".

Dans le cadre d'une collaboration avec l'Institut Max Planck d’ornithologie, les chercheurs ont observé le comportement des pupilles des pigeons chez une autre espèce d’oiseau, le guira, ce qui suggère qu'il s'agit d'un trait général chez les oiseaux. Ces résultats montrent que des comportements de base, tels que la taille de la pupille, peuvent être complètement opposés dans différents groupes d'animaux. Examiner pourquoi cette différence existe pourrait nous donc amener à reconsidérer la compréhension du comportement pupillaire, en général.

Chez les oiseaux et les mammifères, la taille de la pupille est régulée par différents types de muscles dans l'iris. Les mammifères utilisent des muscles lisses, qui ne peuvent être contrôlés volontairement. Les oiseaux, en revanche, régulent la pupille par des muscles striés, comme ceux qui font bouger nos bras ou nos jambes, par exemple. Les chercheurs ont pu confirmer que cet aspect structurel était une cause possible du comportement différent de la pupille. Les pigeons ne contractent plus leurs pupilles pendant le sommeil si les chercheurs, à l’aide de gouttes ophtalmiques, ont bloqué spécifiquement les transmissions nerveuses vers ce type de muscle.

La constriction des pupilles chez les oiseaux endormis remplit probablement des fonctions importantes. Elle pourrait notamment constituer un entrainement nocturne, pour améliorer la motricité fine du muscle utile à l’éveil. Mais c'est peut-être aussi un signe que les régions du cerveau activées pendant les états d'éveil, sont à nouveau actives pendant le sommeil paradoxal, lorsque les souvenirs sont rejoués. À cet égard, la constriction de la pupille pendant le sommeil paradoxal pourrait aider à déterminer quand et comment le cerveau endormi traite les souvenirs.

Le fait que les oiseaux régulent la taille de leur pupille grâce à des muscles striés, et que ceux-ci sont généralement contrôlés volontairement, soulève une question passionnante : Les oiseaux peuvent-ils modifier intentionnellement la taille de leurs pupilles et en faire un outil de communication ?

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© Gianina Ungurean, Niels Rattenborg et Paul-Antoine Libourel

 

Pour en savoir plus :
Pupillary behavior during wakefulness, non-REM sleep, and REM sleep in birds is opposite that of mammals
Gianina Ungurean, Dolores Martinez-Gonzalez, Bertrand Massot, Paul-Antoine Libourel, Niels Christian Rattenborg
Current Biology 19 octobre 2021.

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Contact

Paul-Antoine Libourel
Ingénieur de recherche CNRS au Centre de recherche en Neurosciences de Lyon, Equipe SLEEP (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1)
Gianina Ungurean
Doctorante au Centre de recherche en Neurosciences de Lyon, Equipe SLEEP (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) & Institut Max Planck d’ornithologie

laboratoire

Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, Equipe SLEEP (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon1
Centre Hospitalier Le Vinatier Bâtiment 452
95 Boulevard Pinel
69675 BRON

Institut Max Planck d’ornithologie