Les sons entendus dans l’œuf forgent la personnalité des oisillons

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Dès la vie prénatale, les stimulations sonores perçues par l’embryon d’oiseau vont structurer sa personnalité. Les scientifiques montrent chez la caille, que la perception in ovo de cris de prédateurs rend les jeunes plus réactifs face à un prédateur et plus audacieux en contexte nouveau, alors que la perception de bruits anthropiques artificiels les rend plus anxieux à l’isolement social. Ces travaux, publiés dans la revue Journal of Experimental Biology, permettent de mieux comprendre l’influence  de l’environnement prénatal sur les mécanismes d’adaptation postnatale et sur les conséquences de la pollution sonore sur les populations animales. 

Dans son œuf, l’embryon n’est pas isolé de son environnement. Il peut percevoir les informations lumineuses, olfactives ou encore sonores de son milieu, à des moments où ses systèmes sensoriels sont en train de se mettre en place. Chez les oiseaux qui communiquent principalement par le son, les stimulations sonores perçus dans l’œuf peuvent impacter durablement le développement des systèmes sensoriels donc le comportement et la personnalité des animaux.

Cette étude a donc cherché à comprendre comment des stimulations sonores naturelles ou artificielles pouvaient influencer le futur comportement des jeunes. Pour cela, des embryons sont exposés soit à des cris d’épervier (prédateur potentiel), soit à des sons artificiels métalliques (donc d’origine anthropique), alors que d’autres embryons sont incubés en silence. Dès l’éclosion, tous les cailleteaux sont élevés dans les mêmes conditions, et observés en situation de tests pour évaluer comment ils se comportent en contexte de nouveauté, réagissent à un danger ou à la séparation de leurs congénères.

L’expérience acoustique prénatale vécue par les cailleteaux a modifié la réponse comportementale des jeunes dans les tests éthologiques. Les cailleteaux exposés prénatalement avec des cris de prédateurs ont développé une plus forte réponse anti-prédatrice et face à des bruits soudains, mais aussi une plus grande capacité à explorer des environnements ou objets nouveaux. De plus, les cailleteaux exposés à des bruits artificiels durant l’incubation se sont montrés plus réactifs lors d’une séparation sociale.

Ces résultats montrent que dès la vie prénatale, les stimulations environnementales contribuent à structurer la future personnalité des individus, et ceci différemment selon la nature de la stimulation. En effet, une stimulation d’expérience liée à la prédation aura induit des effets bénéfiques sur l’adaptation de l’animal à son milieu, alors qu’une stimulation artificielle a provoqué une anxiété sociale. Il est donc important de continuer les recherches sur les mécanismes du développement comportemental pour mieux comprendre comment élever des animaux dans des programmes de réintroduction pour conserver les espèces mais aussi appréhendrer comment la pollution sonore liée à l’activité humaine peut perturber le développement des animaux.

Pour en savoir plus :
Impact of natural and artificial prenatal stimulation on the behavioural profile of Japanese quail
Nawel Mezrai, Cécilia Houdelier, Aline Bertin, Ludovic Calandreau, Cécile Arnould, Anne-Sophie Darmaillacq, Ludovic Dickel, Sophie Lumineau (2022).
Journal of Experimental Biology 16 mars 2022. doi:10.1242/jeb.243175

https://theconversation.com/les-sons-entendus-dans-loeuf-forgent-la-personnalite-des-oisillons-179233

Contact

Sophie Lumineau
Enseignante-chercheuse à l'Université Rennes 1

Laboratoire

Ethologie animale et humaine (CNRS/Université de Rennes 1/Université Normandie)
263 avenue du Général Leclerc, Bâtiment 25
35042 Rennes Cédex