Les réseaux cérébraux à l’origine de la conscience de soi enfin identifiés

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

D’où vient la conscience de son propre corps ? C’est l’étude de cerveaux lésés qui permet aujourd’hui de montrer qu’être conscient de ses mouvements nécessite la contribution conjointe de 3 réseaux cérébraux. L’un est responsable de la surveillance sensorimotrice, les deux autres du maintien et de la mise à jour des croyances sur soi. Ce nouveau mécanisme d’association entre le corps et l’esprit a été découvert grâce à la mise en commun de bases de données cliniques à l’échelle internationale. Ce travail est publié dans la revue Elife.

Les récentes études sur le cerveau humain ont montré que l’esprit est inscrit dans la matière cérébrale et non pas séparé du corps comme le postulaient les anciennes théories dualistes. L’association entre le cerveau et l’esprit est particulièrement évidente chez les patients atteints de lésions cérébrales du lobe frontal qui montrent des changements de personnalité radicaux. De la même façon, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) provoquent fréquemment une paralysie du corps qui s’accompagne parfois d’un déni complet de ce nouvel handicap moteur. Comme si le cerveau refusait d’accepter la perte motrice du bras ou de la jambe. On parle alors d’anosognosie (absence de reconnaissance consciente par l’esprit) de l’hémiplégie (paralysie de la moitié du corps). L’exemple d’un échange type entre un patient ayant subi un AVC et son neuropsychologue parle de lui-même.

Le neuropsychologue « Bougez votre bras gauche »

Le patient ne bouge pas.

Le neuropsychologue « Avez-vous bougé votre bras gauche ?»

Le patient « oui »

Encore récemment, les mécanismes biologiques responsables de ce phénomène étaient inconnus. Dans le cadre d'une collaboration internationale avec l'Italie et le Royaume Uni , les chercheurs ont rassemblé et analysé 10 années de recherche sur l’anosognosie pour l’hémiplégie, ce qui représente pas moins d’une centaine de patients atteints d’AVC. Grâce au nouveau logiciel (BCBtoolkit http://toolkit.bcblab.com), les chercheurs ont pu modéliser les dommages engendrés par les lésions vasculaires sur la communication entre toutes les régions du cerveau. L’étude fine de ces lésions a montré que l’anosognosie pour l’hémiplégie se produit lors de la déconnexion simultanée de 3 réseaux.

Ces réseaux incluent (1) le système prémoteur, sans lequel l’organisation du mouvement est perdue, (2) le système limbique, sans lequel la mémoire ne fonctionne plus, et (3) le système attentionnel ventral sans lequel la vigilance n’est plus possible.

C’est 3 réseaux sont apparus fortement complémentaires et leur interaction s’avère essentielle à la capacité de reconnaître consciemment la paralysie de la moitié du corps. Ces résultats sont une preuve supplémentaire que les fonctions cérébrales de haut-niveau reposent sur une forte interaction entre les réseaux cérébraux plutôt que sur une région isolée.

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Figure : Réseaux de la conscience motrice. (a) vue médiane de l'hémisphère droit (gauche) vue latérale de l'hémisphère droit (droite). Le système prémoteur (bleu et vert), le système limbique (rouge), le système attentionnel (jaune).
©Michel Thiebaut de Schotten

 

Pour en savoir plus
Anosognosia for hemiplegia as a tripartite disconnection syndrome
Pacella V, Foulon C, Jenkinson PM, Scandola M, Bertagnoli S, Avesani R, Fotopoulou A, Moro V, Thiebaut de Schotten M
Elife. 2019 Aug 6;8. pii: e46075. doi: 10.7554/eLife.46075

Contact

Michel Thiebaut de Schotten
Chercheur CNRS à l'Institut des maladies neurodégénératives (CNRS / Université de Bordeaux / CEA / Inria)