Les lymphocytes B : modulateurs de la réponse inflammatoire dans la tuberculose

Résultats scientifiques

La contribution des lymphocytes B, acteurs essentiels de l’immunité anti-infectieuse en général, reste paradoxalement très peu explorée dans la tuberculose. Une collaboration internationale, menée par Olivier Neyrolles et Denis Hudrisier de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale, révèle que ces cellules, au-delà de leur capacité bien connue à produire des anticorps, participent également à la réponse immunitaire dans la tuberculose en produisant des molécules solubles, les interférons de type I, et contribuent par ce biais à une réduction de la réponse inflammatoire. Cette découverte inattendue porte un éclairage nouveau sur l’immunité antituberculeuse en impliquant des acteurs cellulaires peu étudiés dans cette pathologie. Ces résultats ont été publiés le 21 novembre 2017 dans la revue American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine.

La tuberculose reste la maladie infectieuse la plus meurtrière, avec plus de 10 millions de nouveaux cas et 1,7 millions de décès en 2016. La recherche sur les défenses immunitaires contre le bacille de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis, est largement dominée par l’étude de la contribution des macrophages, cellules infectées par le bacille dans les poumons, et des lymphocytes T. Paradoxalement, l’étude du rôle des lymphocytes B, acteurs bien connus de la réponse immunitaire contre les agents infectieux, dans l’immunité antituberculeuse a été peu explorée.

 

Les chercheurs ont analysé de façon globale les gènes exprimés par les lymphocytes B isolés à partir des poumons de souris infectées par le bacille tuberculeux et ont ainsi découvert que ces cellules à la fois produisent et répondent à des molécules solubles médiatrices de l’immunité, des cytokines de la famille des interférons de type I. Ce résultat s’est confirmé en stimulant in vitro avec le bacille tuberculeux des lymphocytes B issus de modèles murins non infectés.

 

La possibilité de reproduire ces résultats in vitro a par ailleurs permis de décrypter plusieurs acteurs moléculaires favorisant (comme la molécule STING ou le récepteur MINCLE et leurs ligands mycobactériens c-di-AMP et TDB par exemple) ou inhibant (comme la molécule MyD88 qui transmet les signaux de récepteurs pour des motifs mycobactériens) la production des interférons de type I chez les lymphocytes B.

 

Les interférons de type I jouent des rôles très divers dans les réponses immunitaires. Comme les lymphocytes B se retrouvent dans les lésions tuberculeuses à proximité des macrophages infectés et que ces cytokines sont solubles, les chercheurs ont incubé des macrophages avec les molécules produites par des lymphocytes B stimulés et ont montré que ces macrophages adoptaient un comportement anti-inflammatoire ou régulateur (comme une expression augmentée de la molécule PD-L1 et de la cytokine interleukine-10) lors de l’infection par la bactérie et que ce comportement dépendait de la présence des interférons de type I produits par les lymphocytes B. Ces résultats suggèrent donc que les lymphocytes B pourraient avoir des effets anti-inflammatoires dans la tuberculose en produisant des interférons de type I.

 

Pour tester cette hypothèse, des modèles murins modifiés génétiquement et dont les lymphocytes B produisent de façon accrue des interférons de type I, ont été infectés par M. tuberculosis et, en comparaison de modèles murins exprimant normalement les interférons de type I, ces derniers ont en effet présenté une réponse moins inflammatoire caractérisée par une diminution de la production de cytokines inflammatoires comme  l’interféron de type II ou le tumor necrosis factor dans les poumons, ainsi que la présence accrue de macrophages présentant des marqueurs anti-inflammatoires et régulateurs.

 

Quelle incidence cette découverte a-t-elle dans la pathologie humaine ? Il semblerait bien que ce modèle reflète en l’occurrence la situation chez l’homme. Tout d’abord, des lymphocytes B isolés du sang de donneurs sains, produisent bien des interférons de type I après stimulation in vitro par le bacille tuberculeux et cette production induit, là également, un comportement anti-inflammatoire ou régulateur sur des macrophages humains. De façon très importante, des lymphocytes B isolés de fluides pleuraux de patients tuberculeux expriment fortement les gènes codant pour les interférons de type I. Comme cette réponse n’est pas détectée dans les lymphocytes B du sang de sujets sains ou de patients tuberculeux, il est probable que cette réponse soit mise en œuvre localement, dans les tissus infectés.

 

Ces résultats mettent en avant une contribution nouvelle et inattendue des lymphocytes B dans la tuberculose par le bais de la production des interférons de type I, au-delà de leur capacité à produire des anticorps.

 

L’équipe de Simon Fillatreau au Deutsches Rheuma-Forschungszentrum [Leibniz Institute, Berlin (Allemagne)] et à l’Institut Necker-Enfants Malades (INEM, Paris) a collaboré à cette étude, ainsi que d’autres équipes en France, Allemagne, Royaume-Uni, Argentine et Afrique du Sud.

 

Image retirée.
Figure. Au cours de l’infection par le bacille tuberculeux (Mtb), les lymphocytes B stimulés détectent des produits mycobactériens et y répondent en produisant des interférons de type I, un processus inhibé par la molécule MyD88. Ces interférons de type I agissent sur les macrophages par l’intermédiaire de leur récepteur pour déclencher dans ces cellules un programme anti-inflammatoire et régulateur caractérisé par l’expression des molécules interleukine-10 et PD-L1.

© Denis Hudrisier & Françoise Viala

 

 

En savoir plus

Contact

Denis Hudrisier
Professeur d'Université