Les liens entre structure des odorants et perception olfactive révélés par l’intelligence artificielle

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Peut-on décrire verbalement un composé odorant uniquement en regardant sa structure chimique ? Cet exercice reste un défi pour les scientifiques et un fantasme pour l’industrie des arômes et parfums. Ce travail, publié dans Plos Computational Biology, a combiné des approches novatrices de fouille de données à des calculs de propriétés chimiques pour établir de telles règles. Un premier jalon sur la voie de la conception rationnelle de composés parfumants.

Un des problèmes majeurs à résoudre aujourd’hui pour les chercheurs en olfaction de toutes disciplines est celui de la relation entre la structure chimique des molécules odorantes et les propriétés perceptives qui leur sont associées, que l’on nomme également problème du "stimulus-percept". Il a été résolu de longue date pour la vision et l’audition et reste encore à élucider en olfaction. Certains modèles permettent aujourd’hui de prédire de manière plus ou moins précise le caractère plaisant ou déplaisant d’une odeur, son intensité et même certaines qualités olfactives comme leur caractère fruité ou boisé. Cependant, la relation entre la chimie d’une odeur et sa perception est très complexe et encore mal comprise : il peut en effet y avoir plus d’une règle chimique caractérisant une qualité olfactive, tout comme deux molécules très similaires dans leur structure peuvent évoquer des qualités différentes.

Afin de mieux comprendre ces mécanismes complexes, les chercheurs ont mis en place une collaboration interdisciplinaire associant sciences cognitives, informatique et chimie afin de développer un modèle computationnel prenant en compte les caractéristiques chimiques et les qualités olfactives de plus de 1500 molécules odorantes. Grâce à une approche originale de fouille de données, ils ont développé un algorithme qui a extrait les meilleures règles ou combinaisons de règles chimiques décrivant 74 qualités olfactives. Ainsi, loin d’une correspondance simple entre une caractéristique structurelle d’une molécule et une qualité olfactive précise, deux tiers des qualités étudiées se révèlent associés à plus de 3 règles chimiques. En comparant les règles ainsi extraites avec d’autres bases de données existantes, les chercheurs ont pu également retrouver ces correspondances pour plusieurs descripteurs tels que « fruité », « boisé » ou « camphré ».

Ce modèle descriptif, calculé à partir de méthodes de datamining, a pour objectif de permettre aux chercheurs de construire, puis de tester de nouvelles hypothèses sur le lien entre les caractéristiques chimiques des molécules et les perceptions qu’elles évoquent, et ainsi avancer dans la compréhension du problème du "stimulus-percept". Les résultats issus de ces recherches peuvent également faire l’objet d’applications dans les domaines de l’alimentation, de la parfumerie ou encore du contrôle de l’environnement chimique.

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Figure : Espace perceptif des qualités olfactives à relier avec la chimie des odorants.

© Carmen Licon, Marylou Mantel & Moustafa Bensafi

 

Pour en savoir plus:

Chemical features mining provides new descriptive structure-odor relationships.
Licon CC, Bosc G, Sabri M, Mantel M, Fournel A, Bushdid C, Golebiowski J, Robardet C, Plantevit M, Kaytoue M, Bensafi M.
PLoS Comput Biol
. 2019 Apr 25;15(4):e1006945. doi: 10.1371/journal.pcbi.1006945. eCollection 2019 Apr.

Contact

Moustafa Bensafi
Chercheur CNRS au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL)
Jérôme Golebiowski
Enseignant-chercheur à l'Institut de chimie de Nice (ICN) - (CNRS/Université Cote d'Azur)
Marc Plantevit
Enseignant-chercheur au Laboratoire d'informatique en images et systèmes d'information (LIRIS) - (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1)