Les forces du Yin et du Yang à l’unisson pour un mouvement collectif efficace

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Les forces protrusives et contractiles sont deux systèmes mécaniques opposés nécessaires pour contrôler la direction et la coordination d'un groupe de cellules migrant collectivement. Cependant, la manière dont les cellules intègrent ces deux systèmes reste largement inconnue. Dans cette étude, publiée dans la revue Nature Communications, les scientifiques démontrent que la petite GTPase Rac1 contrôle cette intégration permettant ainsi une parfaite harmonisation de la migration collective.

La migration cellulaire collective est un processus biologique essentiel au développement des tissus et à la progression des cancers. La compréhension des mécanismes qui contrôlent la migration cellulaire collective est donc un enjeu fondamental en biologie afin d’identifier de nouvelles pistes de thérapies pour bloquer l’invasion tumorale et la formation des métastases. Une caractéristique importante de la migration cellulaire collective est le guidage collectif, relayé par la direction et la coordination des cellules. Cependant, la manière dont les cellules collectives intègrent la direction et la coordination au cours de leur migration est largement inconnue. En particulier, cela implique de comprendre comment deux systèmes mécaniques opposés, les forces protrusives et contractiles, peuvent être intégrés pour assurer un mouvement cellulaire collectif efficace. Cette intégration est comparable à l'unité du Yin et du Yang, un concept philosophique chinois qui décrit des forces opposées qui sont en parfait équilibre.

En prenant comme modèle d’étude la migration collective des cellules de bordures au sein de l’ovaire de drosophile, les scientifiques ont exploré l'unité des forces protrusives et contractiles à l'aide de techniques optogénétiques de pointe. Avec cette étude, ils démontrent la présence de deux pools fonctionnels de Rac1 localisés au niveau de structures importantes pour la migration que sont les protrusions et les câbles supracellulaires. Ces deux pools de Rac1 contrôlent les forces protrusives et contractiles, qui guident ainsi la direction et la coordination des cellules de bordures. Étonnamment, deux récepteurs de guidage EGFR et PVR, précédemment connus pour établir un gradient d'activité de Rac1, assurent la distribution correcte de l’activité de Rac1 au niveau des protrusions et des câbles supracellulaires, mais ne contrôlent pas le gradient d'activité de Rac1 dans les groupes de cellules en migration. Ainsi, ces travaux soulignent l'existence d'un équilibre entre deux pools fonctionnels de Rac1 qui permet l’intégration de la direction et de la coordination des cellules pour une migration collective efficace.

Ces résultats ont pu être obtenus en combinant la génétique de la drosophile, l’imagerie des tissus vivants et l’optogénétique (modification d’un gène afin qu’il code pour une protéine dite photo-activable c’est-à-dire dont l'activité dépend de la lumière à laquelle elle est exposée). Grâce à l’utilisation des équivalents photo-activables de Rac, Cdc42 et RhoGEF, les scientifiques ont pu déterminer localement et rapidement la fonction de ces protéines dans les cellules de bordures en migration, révélant ainsi des aspects inconnus, impossibles à caractériser par les outils génétiques conventionnels. Cette coopération complexe entre différents acteurs de la migration cellulaire a pu être mise en évidence grâce au succès de la manipulation combinée de plusieurs signaux biochimiques par la technique d’optogénétique au sein d'un tissu.

Ce travail montre pour la première fois comment deux pools de Rac1 fonctionnent pour intégrer la direction et la coordination des cellules collectives afin d'assurer une migration efficace au sein d'un tissu.

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©Sijia ZHOU

Figure : Représentation schématique du modèle. A gauche, deux pools de Rac1 répartis au niveau des protrusions et des câbles supracellulaires contrôlent et intègrent la direction et la coordination de la migration collective des cellules de bordures. Au centre, l'activité de Rac1 au niveau des câbles coopère avec Rho1 pour le couplage mécanique afin de réaliser la coordination. A droite, l'activité de Rac1 au niveau des protrusions coopère avec Cdc42 pour la direction et son intégration avec la coordination.

Pour en savoir plus : 
Two Rac1 pools integrate the direction and coordination of collective cell migration.
Sijia Zhou, Peng Li, Jiaying Liu, Juan Liao , Hao Li, Lin Chen, Zhihua Li, Qiongyu Guo, Karine Belguise, Bin Yi  and Xiaobo Wang.
Nature Communications 2022 Oct 12;13(1):6014. doi: 10.1038/s41467-022-33727-6

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