Le stress des chimpanzés est d’avantage influencé par des facteurs sociaux que génétiques

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Dans une étude publiée dans la revue Communications Biology les scientifiques montrent l’importance des soins maternels et de la communauté sur la santé des chimpanzés sauvages. En mesurant un marqueur de stress, sur une longue période et sur des populations de plusieurs régions d’Afrique, ils montrent que l’impact des facteurs génétiques a probablement été surévalué. Ces résultats encouragent de nouvelles recherches sur les facteurs liés à la communauté.

Bien que le débat entre l’inné et l’acquis représente une fausse dichotomie en biologie évolutive, il peut être complexe de séparer les effets génétiques et parentaux des effets de l’environnement social commun. Les chimpanzés représentent une espèce modèle idéale pour cette question puisque les variables environnementales qui influencent leur niveau de stress sont largement connues, ce qui permet de les prendre en compte de façon robuste dans les analyses.  

Cette nouvelle étude, réalisée chez des chimpanzés sauvages, montre l’importance des soins maternels et de la communauté sur la santé et le bien-être des jeunes, remettant ainsi en question une forte influence de la génétique. 

Les scientifiques ont utilisé une base de données qui regroupe 18 ans d’observations conduites sur plusieurs communautés de chimpanzés sauvages d’Afrique de l’Ouest au sein du Taï chimpanzee project en Côte d’Ivoire et de chimpanzés d’Afrique de l’Est dans la forêt de Budongo en Ouganda. L’équipe a analysé la concentration urinaire en cortisol de plus de 6 000 échantillons d’urine provenant de 170 individus et collectés de façon non invasive sur des feuilles ou sur le sol. La concentration urinaire en cortisol est en effet un marqueur établi du stress physiologique chez les chimpanzés. Ils ont combiné ces données avec des analyses génétiques à partir de fèces de chimpanzé, ce qui a permis d’établir les liens de parenté entre individus.

Ces analyses ont montré que le fait de vivre au sein de la même communauté expliquait la majeure partie de la variation en niveaux de cortisol. Au sein de la même communauté, l’influence sociale de la mère était le facteur héréditaire prédominant pour expliquer les niveaux moyens de cortisol. Par contre, les chercheurs n’ont pas trouvé d’impact des facteurs génétiques sur le stress des chimpanzés.  Ces résultats sont inattendus et de grande importance. En effet, les études conduites chez l’homme suggéraient que la variation du niveau de stress était en grande parti influencée par des facteurs génétiques. Cependant, les études chez l’homme ne permettent pas de quantifier l’effet de l’environnement social partagé, seulement rendu possible grâce à cette étude chez les chimpanzés.

Les chercheurs ont découvert que l’influence de la mère et celle de l’environnement social (la communauté) sont les deux principaux facteurs expliquant la variation du niveau de stress des chimpanzés sauvages. Le stress est notoirement connu pour influencer la santé et la survie de nombreux primates, y compris l’humain.

Ces résultats suggèrent que le rôle de la génétique pour expliquer la variation du niveau de stress entre différents individus a été possiblement surévalué dans les études précédentes. Ils offrent une nouvelle perspective sur la plasticité physiologique chez une espèce sociale ayant une longue espérance de vie, proche de l’espèce humaine. Ces résultats devraient encourager les scientifiques à mettre en place une approche qui se concentre sur la communauté plutôt que sur les variations interindividuelles, pour comprendre ainsi comment limiter l’exposition au stress.

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© Roman Wittig / Taï Chimpanzee Project 
Figure : Un groupe de chimpanzés s’épouillant les uns les autres. L’épouillage est une activité sociale fondamentale pour les chimpanzés car elle permet de créer des liens sociaux et peut réduire le stress. 

Pour en savoir plus : 
Shared community effects and the non-genetic maternal environment shape cortisol levels in wild chimpanzees. 
Tkaczynski, P. J., Mafessoni, F., Girard-Buttoz, C., Samuni, L., Ackermann, C. Y., Fedurek, P., ... Wittig, R. M. & Crockford, C.
(2023).
Communications Biology6(1), 565. DOI : https://doi.org/10.1038/s42003-023-04909-9

Contact

Catherine Crockford
Directrice de recherche

Laboratoire

Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod (CNRS / Université Claude Bernard)
67 Boulevard Pinel
69675 Bron