Le clofoctol est un nouveau composé antiviral contre le SARS-CoV-2

Résultats scientifiques Microbiologie

La recherche d’antiviraux reste une priorité pour lutter contre la COVID-19. Dans cet article publié dans la revue PLoS Pathogens, les scientifiques ont criblé des principes actifs de médicaments dans le but d’identifier une activité antivirale non détectée précédemment. Ceux-ci ayant déjà reçu une autorisation de mise sur le marché pour d’autres pathologies, ils peuvent être rapidement proposés pour le traitement de la COVID-19. Les chercheurs ont ainsi identifié le clofoctol, un antibiotique utilisé dans des infections respiratoires. En modèle animal, ce composé réduit la pathologie induite par le SARS-CoV-2.

Les hospitalisations liées à la COVID-19 ont rapidement chuté après la mise en place d’une vaccination à grande échelle. Cette approche préventive n’empêche cependant pas la transmission virale. De plus, la protection induite par les vaccins face aux nouveaux variants se révèle moins bonne et elle est également moins efficace chez les personnes immunodéficientes. Une approche complémentaire pour lutter contre le SARS-CoV2 consiste à utiliser des molécules antivirales qui permettent de contrôler l’infection au début de la maladie, mais le développement de ce type de médicament est relativement long. Pour accélérer l’identification d’antiviraux dans le contexte de la crise sanitaire, les recherches se sont rapidement concentrées sur le repositionnement de médicaments cliniquement testés. Les premiers essais de repositionnement ciblé ont cependant été décevants dans le contexte de la COVID-19.

Une voie alternative, dans ce type d’approche, consiste à cribler à grande échelle des banques de principes actifs de médicaments dans le but de mettre en évidence une activité antivirale non identifiée précédemment, pour ensuite pouvoir rapidement proposer une évaluation clinique du médicament dans le contexte de la COVID-19. En effet, les composés autorisés ont des caractéristiques de sécurité et de pharmacocinétique bien documentées chez les patients et ils pourraient donc être rapidement disponibles pour le traitement de la COVID-19.

Dans ce contexte, les scientifiques ont criblé une banque de 1942 composés ayant déjà reçu une autorisation de mise sur le marché ou ayant déjà fait l’objet d’essais cliniques. Pour cela, ils ont testé la capacité de ces composés à inhiber la multiplication du SARS-CoV2 en culture cellulaire. Une activité antivirale a été identifiée pour quelques dizaines de molécules et, parmi celles-ci, un composé n’ayant pas été identifié par d’autres équipes de recherche a retenu leur attention. Cette molécule, appelée clofoctol, a montré une très bonne activité antivirale contre le SARS-CoV-2 à des concentrations inhibitrices de loin inférieures à celles observées cliniquement dans les poumons humains. Ce médicament avait d’ailleurs été développé comme antibiotique pour traiter des infections bactériennes respiratoires. Jusqu’en 2005, il était vendu en France sous le nom d’Octofène et est encore utilisé en Italie sous la dénomination Gram+. Les chercheurs ont confirmé l’activité antivirale du clofoctol en cellules pulmonaires humaines ainsi qu’en modèle murin et ont également mis en évidence un effet anti-inflammatoire de ce composé. La validation préclinique de cette molécule pourrait permettre de proposer un repositionnement du clofoctol dans le traitement de la COVID-19.

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© Sandrine Belouzard
Figure : l’activité antivirale du clofoctol a été identifiée suite au criblage phénotypique de 1942 principes actifs de médicaments qui ont été ou sont encore utilisés en clinique contre d’autres pathologies. L’activité anti-SARS-CoV-2 du clofoctol a été validée en culture cellulaire et confirmée dans un modèle murin de l’infection au SARS-CoV-2. De plus, une activité anti-inflammatoire a été observée pour le clofoctol dans ce modèle animal.

Pour en savoir plus :
Clofoctol inhibits SARS-CoV-2 replication and reduces lung pathology in mice
Belouzard S, Machelart A, Sencio V, Vausselin T, Hoffmann E, Deboosere N, Rouillé Y, Desmarets L, Séron K, Danneels A, Robil C, Belloy L, Moreau C, Piveteau C, Biela A, Vandeputte D, Heumel S, Deruyter L, Dumont L, Leroux F, Engelmann I, Alidjinou EK, Hober D, Brodin P, Beghyn T, Trottein F, Déprez B, Dubuisson J.

PLoS Pathogens 19 mai 2022 .
https://doi.org/10.1371/journal.ppat.1010498

Contact

Jean Dubuisson
Chercheur CNRS au Centre d'infection et d'immunité de Lille (CNRS/Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille, CHU de Lille)

laboratoire

Centre d’infection et d’immunité de Lille (CNRS/Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU de Lille)
Institut Pasteur de Lille, 1 rue du Professeur Calmette,
59021 Lille Cedex