La spermatogénèse s’effondre en cas de mutations multiples à l’état hétérozygote

Résultats scientifiques Génétique, génomique

La spermatogénèse implique un grand nombre de gènes et se révèle donc très sensible aux mutations génétiques, qui sont une cause majeure de l’infertilité masculine. Jusqu’à présent, les causes génétiques impliquaient essentiellement des mutations autosomiques avec transmission récessive, c’est-à-dire touchant les deux copies (paternelle et maternelle) du gène. Les scientifiques démontrent que l’accumulation de mutations à l’état hétérozygote sur des gènes reliés fonctionnellement entre eux entraine la production de spermatozoïdes malformés et peu mobiles, indiquant que l’oligogénisme est aussi une cause d’infertilité masculine.

La spermatogénèse est une phase complexe de remaniement cellulaire aboutissant à la formation de la cellule la plus différenciée du corps humain qu’est le spermatozoïde. Au-delà des gènes classiques "de ménages" utilisés par toutes les cellules, la spermatogénèse implique plus de 2400 de gènes (presque 10% des gènes !) qui s’expriment exclusivement ou majoritairement pendant cette étape, un chiffre bien supérieur à celui nécessaire pour la formation d’un neurone, qui n’est que de 800. Ce nombre très important de gènes rend la spermatogénèse très sensible aux mutations génétiques, qui sont une cause significative de l’infertilité masculine. Jusqu’à présent, les causes génétiques impliquaient essentiellement des mutations autosomiques avec transmission récessive, c’est-à-dire touchant les deux copies du gène ou des mutations sur les chromosomes sexuels. A partir de modèles de souris présentant des mutations délétères sur des autosomes, il était établi que les mutations à l’état hétérozygote (une seule copie touchée) n’avaient pas ou très peu d’impact sur la spermatogénèse et que les souris demeuraient fertiles.

Mais qu’en est-il si plusieurs gènes fonctionnellement reliés et dont l’absence entraîne une infertilité, sont mutés à l’état hétérozygote simultanément ? Pour répondre à cette question, les scientifiques ont généré quatre modèles de souris infertiles différentes présentant des spermatozoïdes avec de multiples malformations du flagelle (chaque modèle présente une mutation délétère sur un gène différent). Ces souris ont été croisées entre elles afin d’obtenir des souris présentant, deux, puis trois et enfin 4 mutations à l’état hétérozygote. Les chercheurs ont analysé la morphologie et la mobilité des spermatozoïdes issus de ces croisements et observé que l’accumulation de mutations à l’état hétérozygote sur des gènes reliés fonctionnellement entre eux entraine la production de spermatozoïdes malformés et peu mobiles.

Ces travaux montrent donc que l’infertilité peut être due non seulement à des mutations homozygotes sur un seul gène (cause monogénique) mais aussi due à des mutations à l’état hétérozygote sur plusieurs gènes (cause oligogénique). Ce résultat pourrait permettre d’améliorer le diagnostic des infertilités masculines, étape indispensable à la proposition de traitements innovants, qui restent à inventer puisqu’un couple sur deux sort du parcours de procréation médicalement assisté sans enfant.

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© Christophe Arnoult

Figure : phénotypes des souris infertiles utilisées pour l’étude. Les spermatozoïdes contrôles de souris présentent une tête caractéristique avec un crochet présentant une pointe très fine. Lorsque les gènes Cfap43, Cfap44, Armc2 ou Ccdc146 sont mutés, les flagelles et les têtes présentent des défauts sévères. Copyright Equipe GETI, IAB, CNRS

Pour en savoir plus :
Oligogenic heterozygous inheritance of sperm abnormalities in mouse  
Guillaume Martinez, Charles Coutton, Corinne Loeuillet, Caroline Cazin, Jana Muroňová, Magalie Boguenet, Emeline Lambert, Magali Dhellemmes, Geneviève Chevalier, Jean-Pascal Hograindleur, Charline Vilpreux, Yasmine Neirijnck, Zine-Eddine Kherraf, Jessica Escoffier, Serge Nef, Pierre F. Ray, Christophe Arnoult
Elife 22 avril 2022. doi: 10.7554/eLife.75373

Contact

Christophe Arnoult
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Institut pour l'avancée des biosciences (IAB) (CNRS/Inserm/Université Grenoble Alpes)
Allée des Alpes
38700 La Tronche