La pollution au plomb, même à très faible dose, nuit à l’apprentissage des abeilles

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Les polluants environnementaux ont de nombreux effets délétères sur la biodiversité, même à des doses très faibles. Les métaux lourds ne font pas exception. Dans cette étude publiée dans la revue Ecotoxicology and Environmental Safety, les scientifiques ont exposé des ruches d’abeilles domestiques à de faibles doses de plomb trouvées dans l’environnement, et démontré leurs impacts sur le développement morphologique des ouvrières et leurs capacités d’apprentissage et de mémoire.

Depuis une trentaine d’années, les produits agrochimiques ont été identifiés comme des causes importantes du déclin des pollinisateurs. Cependant, les impacts d’autres polluants également très répandus, comme les métaux lourds, ont reçu beaucoup moins d’attention. Ces composés métalliques sont naturellement présents dans l’environnement mais leur utilisation dans l’industrie, l’agriculture et les applications domestiques ont considérablement élevé leurs concentrations dans le sol, l’eau, l’atmosphère et les plantes. Le plomb est particulièrement préoccupant à l’échelle mondiale et soulève de nombreuses questions de santé publique liées au saturnisme et certains cancers. Malgré l’omniprésence des métaux lourds dans l’environnement, nous ne connaissons rien (ou presque) de leurs effets sur les insectes pollinisateurs.

Pour tester ces effets potentiels, les chercheurs ont nourri des ruches d’abeilles domestiques avec du nectar contenant du plomb à des concentrations faibles (inférieures aux seuils réglementaires européens pour l’environnement) pendant 10 semaines.

Les abeilles exposées à la plus élevée de ces concentrations ont montré une perte de mémoire, mais surtout un manque de flexibilité dans leur capacité à apprendre des odeurs. Ces apprentissages sont essentiels pour butiner et s’adapter aux variations de floraison au cours de la saison. En apprenant les odeurs florales, les abeilles peuvent négliger certaines fleurs quand elles cessent de produire du nectar et du pollen, et, à l’inverse, privilégier d’autres fleurs quand leur production de nectar commence. Lorsque cette flexibilité cognitive est défaillante, l’approvisionnement de la ruche, et donc sa survie, est compromise.

Les scientifiques ont également constaté que les abeilles ayant ingéré du plomb pendant leur développement étaient plus petites que les abeilles contrôles. Ces abeilles plus petites, ont des têtes plus petites, et des performances d’apprentissage également réduites, ce qui suggère un effet du plomb sur le développement cérébral.

Ainsi, une exposition continue à des faibles doses de plomb est susceptible d’altérer le comportement et le développement des abeilles, impactant potentiellement la survie des colonies et leur capacité à assurer une pollinisation efficace. Plus globalement, notre étude soulève l’urgence d’une meilleure évaluation de la contribution des métaux lourds au déclin généralisé des insectes pour préserver les services écosystémiques.

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© Coline Monchanin
Figure : L’ingestion de plomb dans le nectar réduit les capacités d’apprentissage des abeilles et perturbe leur développement.
 

Pour en savoir plus :
Chronic exposure to trace lead impairs honey bee learning.
Monchanin C, Blanc-Brude A, Drujont E, Negahi MM, Pasquaretta C, Silvestre J, Baqué D, Elger A, Barron AB, Devaud JM, Lihoreau M.
Ecotoxicol Environ Saf. 2021 Apr 1;212:112008. doi: 10.1016/j.ecoenv.2021.112008. 

Contact

Mathieu Lihoreau
Chercheur CNRS
Coline Monchanin
Doctorante CNRS au Centre de recherches sur la cognition animale

laboratoire

Centre de Recherches sur la Cognition Animale, Centre de Biologie Intégrative (CNRS/Université Paul Sabatier)
710 cours Rosalind Franklin 31062 Toulouse Cedex 09