La forme finale des organes dépend aussi du corset de protéines qui les entourent
Il est admis que la forme finale d’un organe dépend de la croissance, de la division et de la forme des cellules qui le composent. Toutefois, ces cellules reposent directement sur un «tapis» de protéines, plus ou moins rigides, qui peuvent contraindre la forme des cellules ou guider leur croissance dans une direction déterminée. Grâce à la mesure de la rigidité du tapis entourant l’ovocyte de drosophile, l’équipe de Muriel Grammont au laboratoire de Biologie et de modélisation de la cellule, en collaboration avec Arezki Boudaoud du laboratoire de Reproduction et développement des plantes, démontre que ces « tapis » protéiques forment une armature contraignant la forme des organes. Ces travaux ont été publiés le 16 octobre 2017 dans la revue Development.
La forme finale des tissus et des organes dépend de multiples processus et facteurs, tels que la croissance, la division, la mort et la forme des cellules qui les composent. Certaines cellules reposent sur un « tapis » appelé lame basale. Les lames basales sont constituées de protéines qui s’assemblent en réseau pour former une armature autour des organes. Ces lames basales peuvent moduler la forme des organes de trois manières différentes. Elles contrôlent la délivrance des facteurs de croissance, protéines influençant la croissance des cellules, elles régulent l’adhésion entre les cellules et elles contrebalancent les forces mécaniques générées par les contractions cellulaires. Ce rôle mécanique demeure cependant mal connu pendant le développement et la croissance des organes et tissus.
Une question fondamentale est de savoir si les propriétés mécaniques des lames basales sont modulées lors de la morphogenèse d’un organe et si une telle modulation a un impact sur la croissance et la morphogenèse. De cette question découle un défi technique : comment mesurer la rigidité de la lame basale dans un organe vivant ?
Pour y répondre, les chercheurs ont étudié le follicule ovarien de la drosophile, dont le développement conduit à l’œuf de la drosophile. Le follicule ovarien est composé de cellules germinales, dont l’ovocyte, entourées par une couche de cellules somatiques reposant sur une lame basale. Au départ, le follicule est sphérique et devient ovoïde au fur et à mesure de sa croissance. Il avait été montré que la couche de cellules somatiques sécrète les protéines de la lame basale, soit sous forme individuelle, soit sous forme de petites fibres qui se positionnent perpendiculairement au grand axe de l’ovoïde. Ces fibres pourraient agir comme un corset pour contraindre le follicule à croître préférentiellement le long de ce grand axe. Afin de tester cette hypothèse, les chercheurs ont mis au point une méthode permettant de mesurer globalement et localement la rigidité de cette lame basale à l’aide d’un microscope à force atomique.
Grâce à cette méthode, ils ont montré que la rigidité de la lame basale augmente au cours du développement du follicule ovarien et que les petites fibres sont effectivement des structures très rigides. Ces résultats confirment donc que les fibres corsettent le futur œuf, et donc contrôlent sa géométrie finale.
Ce travail permet donc de comprendre comment les « tapis » qui entourent les organes contraignent mécaniquement leur expansion pour ainsi déterminer leur forme finale.
En savoir plus
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Variations in basement membrane mechanics are linked to epithelial morphogenesis.
Chlasta J, Milani P, Runel G, Duteyrat JL, Arias L, Lamiré LA, Boudaoud A, Grammont M.
Development. 2017 Oct 16. pii: dev.152652. doi: 10.1242/dev.152652.