La face cachée des parfums floraux : éloigner les insectes et moduler le microbiome

Résultats scientifiques Biologie végétale

Les fleurs de la plante modèle Arabidopsis thaliana émettent peu de parfum. Elles convertissent les terpènes volatiles en dérivés oxygénés qui sont stockés dans les tissus pour éloigner les insectes florivores. Les chercheurs ont montré comment l'association et l’expression coordonnée de deux enzymes modulent l’émission de parfum, la production de dérivés terpéniques oxygénés, la visite des insectes et le microbiome floral. Ce travail a été publié dans la revue The Plant Cell.

Les fleurs ont un rôle essentiel : la reproduction de la plante. Les fleurs de la plante modèle Arabidopsis thaliana sont minuscules et fragiles. Elles ne dépendent pas des insectes pour leur pollinisation et n’émettent aucun parfum perceptible. Il a cependant été montré qu’elles émettent un bouquet de composés volatiles dominé par une petite quantité de sesquiterpènes ainsi que des traces de monoterpènes. Les mono- et sesqui-terpènes sont des composés à 10 ou 15 carbones respectivement, hydrophobes et volatiles, ils figurent parmi les principaux constituants des parfums floraux.

Les gènes d’une sesquiterpène synthase et d’un cytochrome P450 forment un cluster sur le chromosome 5 d’Arabidopsis. Les chercheurs montrent que ces deux gènes sont co-exprimé majoritairement dans les tissus floraux de la plante et que la sesquiterpène synthase forme des composés qui sont oxygénés par le cytochrome P450. La faible émission de terpènes par les fleurs d’Arabidopsis résulte donc de l’oxydation des sesquiterpènes par ce cytochrome P450. Ce dernier métabolise un grand nombre des sesquiterpènes générés par les tissus floraux d’Arabidopsis, mais aussi les principaux monoterpènes. Il réduit ainsi drastiquement l’émission de parfums floraux, tout en générant de grandes quantités de composés oxygénés stockés par les tissus de la plante. Ces composés dissuadent les insectes florivores de visiter les fleurs. Ils modifient également la composition du microbiome floral. Ce mécanisme de défense semble conservé chez les autres plantes de la famille des brassicacées. La protection des fleurs comme leur fertilité dépendent des interactions entre les bactéries, les insectes et les plantes. Le rôle respectif des sesqui- ou mono-terpènes oxidés dans ces interactions au sein des organes de la fleur ou au cours de son développement restent à explorer.

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© Benoît Boachon

Figure : La voie métabolique qui convertit les parfums floraux en composés de défense chez
Arabidopsis est aussi opérationnelle au cours du développement floral.

Pour en savoir plus :

A Promiscuous CYP706A3 Reduces Terpene Volatile Emission from Arabidopsis Flowers, Affecting Florivores and the Floral Microbiome.

Boachon B, Burdloff Y, Ruan JX, Rojo R, Junker RR, Vincent B, Nicolè F, Bringel F, Lesot A, Henry L, Bassard JE, Mathieu S, Allouche L, Kaplan I, Dudareva N, Vuilleumier S, Miesch L, André F, Navrot N, Chen XY, Werck D.
Plant Cell. 2019 Oct 18. pii: tpc.00320.2019. doi: 10.1105/tpc.19.00320. [Epub ahead of print]

Contact

Danièle Werck-Reichhart
Directeur de recherche CNRS à l'Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) - (CNRS / Université de Strasbourg)
Benoît Boachon
Ingénieur de recherche CNRS au Laboratoire de biotechnologies végétales appliquées aux plantes aromatiques et médicinales (BVpam) - (CNRS / Université de Lyon / UJM Saint-Étienne)