Hommage à Michel Fougereau
Le CNRS rend hommage à Michel Fougereau, disparu en ce mois de juillet 2025, figure majeure de l’immunologie française et cofondateur, aux côtés de François Kourilsky du Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy – CIML (CNRS/Inserm/Aix Marseille Université), qu’il dirigea avec vision et détermination de 1978 à 1980.
Docteur vétérinaire et docteur en sciences, Michel Fougereau a d’abord été formé à l’École vétérinaire de Toulouse, avant de rejoindre les bancs de la Faculté des sciences de Paris, où il suit l’enseignement de figures marquantes telles que Jacques Monod et Piotr Slonimski. Grâce à Jacques Monod, il intègre l’Université Rockefeller à New York, où il effectue une thèse sous la direction de Gerald Edelman, futur Prix Nobel de Médecine, sur la structure et la diversité des anticorps. C’est le début d’un parcours scientifique d’une rare intensité, au croisement de la biologie moléculaire, de l’immunologie et de la génétique.
De retour en France en 1965 à l’INRA, puis nommé professeur à l’Université d’Aix-Marseille en 1969, il s’entoure d’une équipe au Centre de Biologie Moléculaire du CNRS et réalise un travail pionnier sur la structure des immunoglobulines, aboutissant à la première séquence complète d’un anticorps de souris, connue sous le nom de French sequence. Il développera ensuite son équipe de recherche au CIML et contribuera de manière déterminante à l’analyse de la structure, du répertoire et de l’origine génétique de la diversité des anticorps. Michel Fougereau est également l’un des premiers à initier des recherches sur la différenciation des lymphocytes B humains.
Son œuvre majeure reste la création du CIML, centre de recherche en immunologie qu’il fonde à Marseille-Luminy avec François Kourilsky. Soutenue par le CNRS et l’Inserm, cette unité mixte devient le premier centre français entièrement dédié à l’immunologie, rassemblant sur un même site des équipes issues de toute la France et ouvert dès son origine à l’international. Ce modèle, unique à l’époque, marque une rupture dans l’organisation de la recherche biomédicale en France et continue aujourd’hui d’inspirer.
Sous son impulsion, le CIML s’équipe dès les années 1980 des outils les plus avancés en biologie moléculaire permettant notamment les premiers séquençages de gènes HLA. Il accompagne aussi l’introduction en France et, au sein du CIML de la technologie des anticorps monoclonaux par François Kourilsky et Michel Pierres. Les différents chercheurs recrutés au CIML contribueront aussi, de manière décisive, à l’essaimage scientifique et industriel de l’immunologie française, avec notamment la création d’acteurs majeurs comme Immunotech, Innate Pharma ou encore le centre d’Immunophénomique (CIPHE).
Mais Michel Fougereau fut aussi un pédagogue visionnaire. Il introduit le tout premier module d’enseignement universitaire d’immunologie en Faculté des sciences, développe le second et troisième cycle dans cette discipline, et fonde en 1992 à Marseille l’une des toutes premières écoles doctorales en sciences de la vie et de la santé. Il a formé plusieurs générations d’immunologistes et publié des ouvrages de référence, parmi lesquels Éléments d’immunologie fondamentale et L’immunologie (collection Que-sais-je ?), qui ont accompagné des milliers d’étudiants.
Son engagement en faveur de la recherche et de sa structuration se prolonge jusqu’au ministère de la Recherche, où il achève sa carrière en tant que conseiller pour les sciences de la vie et de la santé, toujours animé par le désir de bâtir pour les générations futures.
Michel Fougereau a incarné une certaine idée de la science : ambitieuse, collective, exigeante, profondément humaniste. Il laisse une empreinte indélébile dans l’histoire de l’immunologie française et du CNRS, ainsi que dans les carrières de celles et ceux qu’il a formés, guidés, inspirés.
À ses proches, à ses anciens collègues, aux personnels du CIML, le CNRS adresse ses pensées les plus sincères et reconnaissantes.