Hommage à Françoise Dieterlen

Hommages

Françoise Dieterlen, biologiste, directrice de recherche émérite au CNRS, décorée de la légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, est décédée le 13 juillet 2021 à Nîmes à l’âge de 88 ans.

Fille de médecins, elle aurait pu s’orienter vers une carrière médicale mais c’est le chemin de la biologie qu’elle choisit.

Françoise Dieterlen a consacré sa carrière à étudier l'origine des cellules souches hématopoïétiques (CSH) dans l'embryon et leurs relations avec les cellules endothéliales. Elle est la scientifique qui a probablement le plus contribué à notre connaissance fondamentale du développement hématopoïétique. Ses contributions séminales, largement reconnues par la communauté scientifique internationale, ont ouvert la voie à des générations d'hématologistes du développement qui continuent de s’interroger sur l'origine et le devenir de ces cellules.

A la suite de son premier cycle d’études universitaires, elle rencontre le professeur Etienne Wolff, fondateur de l’école française d’embryologie aviaire, récemment élu au Collège de France, qui l’accepte en tant que chercheuse « junior » dans son équipe.

Du début des années 60 jusqu’au milieu des années 70, Françoise Dieterlen consacre son doctorat à l’étude de la formation du pancréas et à l’émergence des ilots de Langerhans chez l’oiseau. Peu de temps après la découverte du marqueur caille-poule par Nicole Le Douarin, Françoise Dieterlen décide de s’orienter vers un nouveau sujet : le développement hématopoïétique. En 1975, elle démontre, dans le modèle aviaire, l’existence d’une source intra-embryonnaire d’hématopoïèse responsable de la production des premières CSH et bouleverse ainsi de manière pérenne notre vision de l’origine du système sanguin et de la formation des premières CSH. C’est ensuite en 1986 qu’elle apporte la preuve que cette source réside au niveau de l’aorte dorsale de l’embryon.

En parallèle, elle s’intéresse à l’origine et à la formation des vaisseaux et vers la fin des années 1990, elle démontre une double origine du système vasculaire chez les vertébrés et la contribution complémentaire des deux lignages endothéliaux : l’un dorsal (originaire du somite) qui va contribuer à la vascularisation du tube nerveux, de la paroi du corps (y compris les masses musculaires) et des reins et l’autre ventral (originaire du mésoderme splanchnopleural) qui contribue à la vascularisation des organes internes et au plancher de l’aorte.

Dès le début des années 90, elle étend son champ de recherches à l'origine des CSH dans l’espèce murine. En 1993, elle met en évidence une activité hématopoïétique inattendue dans la région aortique de l'embryon précoce de souris qui va ouvrir la voie à l’ensemble les recherches actuelles sur le développement hématopoïétique chez les mammifères, y compris chez l’homme. Au cours des années suivantes, elle publie plusieurs articles fondamentaux sur l'aorte de la souris et la production des CSH. Dans le même temps, elle résout le paradigme de la formation des CSH en démontrant leur émergence à partir des cellules endothéliales de l’aorte. Enfin, à partir de 1998, elle met en évidence l'existence d'un nouveau site et organe hématopoïétique ;  l'allantoïde. Initialement identifiée chez l’oiseau, Françoise Dieterlen étend ses investigations à l’allantoïde de souris et révèle la capacité de cette structure à amplifier les CSH.

Françoise Dieterlen-Lièvre a codirigé l'Institut d’Embryologie Cellulaire et Moléculaire du CNRS et du Collège de France à Nogent-sur-Marne de 1981 à 2000. Elle avait pris sa retraite en 2003.

Femme cultivée, amoureuse des lettres, d’une grande humanité, visionnaire et tenace, elle a formé de nombreux étudiants qui ont essaimé dans le monde entier.

Les nombreuses idées générées par les travaux fondamentaux de Françoise Dieterlen ont modelé le domaine du développement hématopoïétique d’aujourd’hui et continueront d’inspirer les hématologistes de demain.