Hommage à Bernard Thisse

Hommages

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris en cette fin d’année 2021 la disparition de Bernard Thisse, biologiste du développement, Directeur de 1ère classe au CNRS (IGBMC, Strasbourg) et Professor of Cell Biology and Biology (University of Virginia).

Depuis ses travaux de thèse à Strasbourg où il étudiait les mécanismes moléculaires contrôlant la gastrulation de la drosophile, jusqu’aux derniers mois de sa vie voués à la création d’un embryon in vitro à partir de cellules souches de souris, Bernard Thisse a été un passionné inconditionnel de l’étude du développement embryonnaire, avec une prédilection particulière pour les mécanismes de spécification des axes embryonnaires via l’activité de morphogènes et leur régulation.

A la passion scientifique de Bernard se joignait un esprit réellement visionnaire. Rares sont les chercheurs qui ont le courage de poursuivre leurs idées avec autant d’indépendance. Ainsi après avoir gagné ses premiers galons scientifiques chez la Drosophile, Bernard n’a pas hésité à rejoindre dès le début des années 1990 la communauté naissante de chercheurs qui croyaient au potentiel d’un nouvel organisme modèle, le poisson zèbre. A leur retour de stage post-doctoral, Bernard et sa femme Christine Thisse montèrent ainsi une des toutes premières équipes françaises utilisant ce nouveau ‘graal’ de la génétique des vertébrés à Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC, Illkirch).

Les travaux réalisés par Bernard ont non seulement remis en cause la définition du centre organisateur de Spemann, identifié les signaux nécessaires et suffisants à la détermination cellulaires des vertébrés, mais il aura également généré des ressources précieuses pour la communauté scientifique en réalisant un des tous premiers cribles systématiques d’expressions géniques embryonnaires (plus de 50 000 images in situ de patrons embryonnaires disponibles, décrivant les patrons d’expression de 2/3 du génome du zebrafish). Tout au cours de cette période, Bernard a été un membre actif de la Société Française de Biologie du Développement (SFBD) ainsi que son Président entre 2005 et 2007. 

Tous ceux qui ont rencontré Bernard se souviendront de son caractère enthousiaste, de sa puissance de travail, n’hésitant jamais à alimenter les débats stimulants, bousculant les dogmes par des propositions parfois iconoclastes qu’il n’hésitait pas à tester et à prouver.

Toujours à la recherche de nouveaux défis, Bernard et Christine demandèrent en 2007 leur détachement pour être rattachés à l’Université de Virginie (Charlottesville, USA). Au cours de ces dernières années, Bernard prit ainsi parti des possibilités offertes par l’utilisation de cellules embryonnaires naïves ou la reprogrammation de cellules souches pour démontrer que l’activité des signaux morphogénétiques qu’il avait identifié est non seulement nécessaire pour la spécification des axes embryonnaires chez le poisson zèbre, mais suffisante pour induire le développement d’un embryon de souris in vitro  à partir de cellules pluripotentes instruites par ces morphogènes.

Grâce à ses efforts infatigables, tant en ce qui concerne son propre sujet de recherche mais également pour la communauté plus large de chercheurs travaillant sur le poisson zèbre, sa contribution durable au domaine de la biologie du développement est évidente. Il nous manquera profondément.