Hommage à Benedita Ribeiro Barata da Rocha

Hommages

C’est avec une émotion très vive et une douleur immense que nous faisons part du décès de Benedita Ribeiro Barata da Rocha, survenu le 2 octobre 2021. Benedita était appréciée et respectée de tous pour ses très grandes qualités humaines et scientifiques.

D’origine portugaise, Benedita Rocha a suivi une formation médicale à la Faculté de Médecine de Lisbonne puis a rejoint le département d’Immunologie de la Faculté de Médecine de l’Université Nouvelle de Lisbonne comme professeur agrégé. Parallèlement, Benedita a réalisé sa thèse de sciences à la Faculté de Médecine de Glasgow puis un stage post-doctoral au Memorial Sloan Kettering Cancer Center (New York USA).  En 1984 elle rejoint le laboratoire de Martine Papiernick et est recruté au CNRS en 1986.

Dès le début de sa carrière en France, Benedita Rocha établit une collaboration très fructueuse avec Martine Papiernick avec qui elle créera une unité INSERM, sur le site de Necker dont elle prendra ensuite la direction et qui a préfiguré le prestigieux Institut Necker Enfant Malade dont elle a assuré la direction (INEM, CNRS et INSERM).

Tout au long de sa carrière Benedita Rocha a étudié les mécanismes contrôlant le développement et l’homéostasie des différentes populations immunitaires.  Pionnière dans ces domaines, Benedita a introduit de nouveaux concepts qui ont façonné l’immunologie.

 Elle a montré, que le maintien du pool de lymphocytes T naïfs dépend d’une interaction entre le récepteur à l’antigène qu’elles expriment et les molécules du complexe majeur d’histocompatilité, ces interactions ne sont par contre pas nécessaires à la survie des lymphocytes T mémoires.  Ces observations ont conduit Benedita à proposer l’existence de “niches“ tissulaires distinctes permettant la survie des lymphocytes T naïfs et mémoires, une découverte importante dans l’étude de l’homéostasie des cellules T. Elle a aussi décrit les caractéristiques des cellules T mémoires en lien à leur réponse rapide suite à une nouvelle stimulation par l’antigène.

La tolérance des lymphocytes T aux antigènes du « soi » est établie dans le thymus. Bénédita fut parmi les premières à proposer et décrire les mécanismes de tolérance des lymphocytes T aux antigènes du soi complémentaire, en périphérie, qui permettent d’éliminer ou inactiver les cellules T spécifiques d’antigènes des tissus périphériques.

En collaboration avec le groupe de Delphine Guy-Grand et P. Vassalli, Benedita a participé à la découverte et à la caractérisation des lymphocytes T non conventionnels de l’intestin (IEL) et montrait que ces cellules constituent un lignage distinct des cellules T conventionnelles qui se différencie dans l’épithélium intestinal, une découverte majeure dans ce domaine qui ouvre de nouvelles perspectives sur les voies de différenciation des lymphocytes T.

Outre ses contributions scientifiques majeures, Benedita s’est aussi fortement investie dans la formation des étudiants.  Elle a ainsi contribué à l’émergence d’un programme de formation doctorale en Immunologie au Portugal et à Paris V en France.  Plusieurs étudiants qu’elle a formés ont aujourd’hui développé leur propre groupe de recherche et contribuent au développement de l’immunologie française.

Passionnée par l’histoire du monde, la lecture en général, mais aussi les galeries d’art et les Monthy Python, Benedita avait une grande culture qu’elle partageait avec ceux qui l’entouraient. Esprit libre, jamais dogmatique, elle voulait tout comprendre. « J’aimerais une deuxième, une troisième, une quatrième vie afin d’aller plus loin dans la compréhension de l’Immunologie, bien sûr, mais également de tout ce qui m’entoure ».

Avec une personnalité bien ancrée, pleine de vie et passionnée par son métier, Benedita laissera un grand vide pour toute la communauté des immunologistes et pour les nombreux étudiants qu’elle a formés et accompagnés pendant toutes ces années, en conjuguant excellence et bienveillance.