Fixation des larves des coraux : de nouvelles données

Résultats scientifiques Développement, évolution

La fixation des larves de coraux est une étape importante dans la formation des récifs coralliens. Dans une étude publiée dans Science Advances, des scientifiques ont analysé, chez trois espèces de cnidaires (deux coraux et une méduse), l’expression des gènes et la morphologie des cellules impliquées dans la fixation. Ils révèlent un rôle possible d’une molécule, la taurine, dans ce processus. 

La fixation des larves de cnidaires, préalable indispensable à la formation des coraux

La « fixation » des larves est un événement clé dans le cycle de vie des coraux ainsi que de nombreux autres organismes marins, y compris d’autres cnidaires comme les méduses et les anémones de mer. Dans chaque cas, le processus de fixation amorce une métamorphose qui transforme la larve nageuse en un stade adulte sessile, c’est-à-dire fixé au substrat. Pour certaines espèces de coraux, cette fixation constitue la première étape de la formation d’un récif corallien. 

Les larves de toutes les espèces de cnidaires s’appellent des planulas. Elles présentent une structure simple, constituée de couches tissulaires organisées en un cylindre effilé. Les données issues d’études antérieures suggèrent que des cellules situées à l'extrémité antérieure, c'est-à-dire à l'avant, dans le sens de la nage, jouent un rôle sensoriel en détectant les caractéristiques du substrat afin de sélectionner un site de fixation approprié.  Pourtant, on ne sait que très peu de choses sur les différents types de cellules présents dans cette région et leur mode de fonctionnement.  

Cette étude visait à mieux comprendre ces cellules antérieures de la planula, en analysant leur composition moléculaire. Des planulas de deux espèces de coraux (Astroides calycularis de la méditerranée, et Pocillopora acuta obtenu d’un aquarium tropical) étaient comparés à celles de la méduse Clytia hemisphaerica, un organisme modèle de référence. Deux types de données ont été obtenues pour chaque espèce : d’une part des séquences de gènes exprimés préférentiellement dans les fragments antérieurs de la larve ; d’autre part, des signatures génétiques propres à chaque type cellulaire.

Dégrader la taurine pour favoriser la fixation

L’intégration de ces données a permis de définir des caractéristiques communes des cellules de l'extrémité antérieure de la planula des trois espèces, tout en identifiant les spécialisations propres à chacune. De manière frappante, des gènes impliqués dans l'absorption et le catabolisme (c’est à dire la destruction) d’une petite molécule appelée la taurine se sont révélés exprimés spécifiquement dans des types cellulaires antérieurs des trois espèces étudiées. Des expériences complémentaires menées avec les planulas de Clytia et Astroïdes ont apporté une information importante : l’ajout de taurine dans l’eau de mer a empêché la fixation des larves au fond.

Ces résultats permettent de définir l'architecture cellulaire du pôle aboral des larves de cnidaires et mettent en lumière un rôle potentiel de la taurine dans la régulation du processus de fixation.  De telles connaissances pourraient avoir des applications concrètes dans le contexte de la restauration des récifs coralliens. En outre, les données issues de cette étude nourrissent également les réflexions des biologistes de l’évolution, qui suggèrent que les systèmes sensoriels antérieurs impliqués dans la sélection du substrat chez les premiers animaux pourraient être à l’origine évolutive du cerveau animal.

J. Ramon-Mateu ; Larves de coraux de I. Domart-Coulon et N. Teixidó

Figure : Des larves « planula » de deux espèces de coraux et de la méduse Clytia, et des schémas de l’organisation des types de cellules identifiées au pôle antérieur (orientée vers le bas de la figure). Quelques marquages des quelques types cellulaires en microscopie à fluorescence figurent entre les deux schémas.

En savoir plus : Julia Ramon-Mateu et al. Aboral cell types of Clytia and coral larvae have shared features and link taurine to the regulation of settlement.Sci. Adv.11,eadv1159(2025).DOI:10.1126/sciadv.adv1159

Contact

Evelyn Houliston
Directrice de recherche CNRS

Laboratoire

Laboratoire de biologie du développement de Villefranche-sur-Mer - LBDV (CNRS/Sorbonne Université)
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