Du vieillissement cellulaire sous contrôle d’ARN non-codants

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

La sénescence cellulaire est associée, dans certains cas, à une accumulation d’ARN non-codants provenant de régions en amont et en aval des gènes.  Si cette accumulation est provoquée artificiellement dans la cellule en prolifération, l’apparition de marqueurs de sénescence est accélérée. Ces observations, publiées dans la revue Life Science Alliance, suggèrent ainsi un effet causal de certaines populations d’ARN dans le vieillissement cellulaire.

La senescence cellulaire est un mécanisme de vieillissement qui permet de limiter la croissance cellulaire pour, entre autres, prévenir la formation de cancers. Mais les cellules sénescentes sont aussi une source d’inflammation chronique qui participe à la détérioration de la qualité de vie des personnes âgées.

La sénescence cellulaire peut avoir de nombreuses causes comme des dommages à l’ADN, une réplication cellulaire excessive ou l’apparition de mutations dans des gènes qui provoquent des cancers, mais nous comprenons encore assez mal ce que toutes ces voies ont en commun.

Une des hypothèses a été que dans les cellules sénescentes, des fragments d’ADN cassé sortent du noyau de la cellule pour ensuite activer des mécanismes de défense immunitaire ayant pour fonction initiale de détecter de l’ADN étranger venant par exemple d’infections par des virus à ADN. Dans le travail présenté ici, les chercheurs montrent, qu’en plus de cette voie ADN, il existe aussi une voie ARN.

L’ARN est une copie de certaines séquences d’ADN dont l'une des fonctions, dans le cas de l'ARN messager, est d’amener l’information nécessaire du noyau vers les sites de production des protéines. D'autres types d'ARN sont également transcrits dans la cellule (ARN de transfert, ARN ribosomiques, ARN non-codants, …) Les ARN inutiles ou surnuméraires sont rapidement dégradés.

Or, les chercheurs observent que de l’ARN provenant de régions localisées juste avant ou juste après les gènes s’accumule dans des cellules sénescentes de divers origines. Dans certains cas, cette accumulation est due à des défauts dans la machinerie de dégradation des ARN et une inactivation artificielle de ces mécanismes accélère la mise en place de la sénescence. Ainsi, à l’image de ce qui a été montré pour l’ADN, ces ARN semblent être directement impliqués dans la mise en place du vieillissement cellulaire.

L’élément déclencheur de l’accumulation de ces ARN et leur mécanisme d’action restent encore à caractériser, mais plusieurs observations suggèrent qu’un stress oxydant peut être à l’origine du phénomène et que l’effet toxique des ARN pourrait venir de la présence dans les régions péri-géniques d’éléments génétiques mobiles favorisant la formation d’ARN doubles brins susceptibles d’activer des mécanismes immunitaires normalement dédiés à la détection de virus à ARN.

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© Christian Muchardt

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Modèle : Dans la cellule en prolifération, les ARN de promoteur ou venant de l’extension des gènes en 3’ des gènes (ARN péri-géniques ou pegeARN) sont dégradés par le RNA exosome. Sous l’effet d’un stress oxydant, la terminaison de la transcription et la dégradation des ARN sont altérés. Il s’en suit une accumulation d’ARN incluant des motifs répétés présents en amont des promoteurs et en aval des gènes. Ces ARN pouvant former des structures doubles brins, ils sont susceptibles d’activer les mécanismes de défenses antiviraux et de provoquer de l’inflammation.

 

Pour en savoir plus:

Reduced RNA turnover as a driver of cellular senescence
Mullani N, Porozhan Y, Mangelinck A, Rachez C, Costallat M, Batsché E, Goodhardt M, Cenci G, Mann C, Muchardt C

Life Science Alliance 14 Janvier 2021. DOI: 10.26508/lsa.202000809

Contact

Christian Muchardt
Chercheur CNRS au laboratoire adaptation biologique et vieillissement (B2A)

Laboratoire

Adaptation Biologique et Vieillissement (B2A) - (CNRS/Sorbonne Université)
Institut de Biologie Paris-Seine

7-9, Quai Saint Bernard
75252 Paris Cedex 05