Du nouveau sur l’origine de la tuberculose

Résultats scientifiques Microbiologie

Des questions fondamentales subsistent sur les origines de Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la tuberculose. Une étude publiée dans Nature Communications décrit la découverte d’une souche clinique exceptionnelle. L’analyse de son génome indique que, d’un point de vue évolutif, l’émergence du pathogène est beaucoup plus récente que ce qui était supposé jusqu’à présent. Ces données ouvrent de nouvelles perspectives pour identifier les facteurs moléculaires et évolutifs associés à la genèse de ce pathogène majeur.

En 2022, la tuberculose continue à faire payer un lourd tribut à l’humanité. En effet, on estime que plus de 10 millions de nouveaux cas et 1,3 millions de décès ont été provoqués par la tuberculose.  Des travaux précédents avaient indiqué que les souches mondiales de la principale bactérie responsable, Mycobacterium tuberculosis, et de ses variants, descendent d’un progéniteur ressemblant à de rares souches cliniques existantes appelées Mycobacterium canettii. Ces dernières proviennent d’échantillons de patients d’Afrique de l’Est. Ces souches particulières représentent des branches précoces mais relativement distantes dans l’évolution des bacilles de la tuberculose. Contrairement à Mycobacterium tuberculosis, les souches de M. canettii possèdent des génomes riches en traces de transferts horizontaux de gènes, reflétant des apports de gènes d’autres souches au sein d’un même écosystème. Ces données suggèrent qu’elles possèdent un réservoir environnemental, propice aux échanges génétiques entre populations bactériennes.

Découverte d’une nouvelle souche clinique de la tuberculose


L’étude parue dans la revue Nature Communications décrit la découverte et l’analyse par génomique comparative d’une nouvelle souche clinique exceptionnelle, obtenue d'un patient diagnostiqué dans le cadre d’une étude nationale de surveillance de la tuberculose conduite en Ethiopie. Les résultats montrent que cette souche partage les propriétés phénotypiques (traits observables d’un organisme) et génomiques canoniques décrites chez les souches de M. canettii, mais qu’elle représente une branche évolutive beaucoup plus proche de Mycobacterium tuberculosis et de ses variants que les souches de M. canettii précédemment connues. L’analyse de traces génomiques de transferts horizontaux de gènes, chez cet isolat clinique et d'autres souches de M. canettii, indiquent la persistance (bien qu'à un taux réduit) d'échanges génétiques dans les branches ancestrales proches de l’émergence de M. tuberculosis. Ces résultats suggèrent le maintien d'interactions avec un microbiome environnemental avant la genèse du pathogène.

La possible émergence d’un nouveau variant de la tuberculose humaine
 

Ces nouvelles données indiquent donc que l'émergence du progéniteur de M. tuberculosis à partir de son réservoir environnemental ancestral – dont la nature est inconnue - est beaucoup plus récente du point de vue évolutif que ce qui pouvait être présumé jusqu’à présent. Elles renforcent l’hypothèse de l’origine est-africaine du pathogène, et suggèrent aussi l’existence, le long du rift Est-Africain, d'un continuum additionnel de souches issues de branches évolutives proches de la racine originelle de M. tuberculosis.

Ces résultats, combinés à l’utilisation croissante du séquençage de génomes bactériens pour la surveillance et le diagnostic de la maladie, ouvrent la perspective de nouvelles découvertes de souches, qui devraient aider à préciser les facteurs moléculaires et évolutifs associés à l’émergence du pathogène. L’identification sporadique de souches cliniques dérivées de branches proches du point d’origine de M. tuberculosis dans cette région du monde suggère la possible émergence d’un nouveau variant de pathogène de tuberculose humaine.

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Figure : Arbre phylogénétique basé sur l’analyse des génomes de la souche éthiopienne de M. canettii (ET1291), d’autres souches de M. canettii (MCAN), et de souches du complexe de M. tuberculosis (MTBC), regroupant les souches de M. tuberculosis et de ses variants associés adaptés à l’homme et à d’autres mammifères. Les branches sont colorées selon le ratio estimé de recombinaison/mutation (r/m). La position phylogénétique intermédiaire de ET1291, entre le (et à proximité du) complexe de M. tuberculosis et les souches précédemment connues de M. canettii, est indiquée par une flèche rouge. 

En savoir plus :
Yenew, B., Ghodousi, A., Diriba, G. et al. A smooth tubercle bacillus from Ethiopia phylogenetically close to the Mycobacterium tuberculosis complex. Nat Commun 14, 7519 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-42755-9

Contact

Philip Supply
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Centre d'infection et d'immunité de Lille - CIIL (CNRS/CHU de Lille/Inserm/Institut Pasteur Lille/Université de Lille) 
1, rue du Professeur Calmette
59019 Lille