Diviser sans se tromper : la stratégie des cellules végétales

Résultats scientifiques Biologie végétale

Contrairement aux cellules animales, les cellules végétales sont enfermées dans une paroi rigide. Cela rend chaque division cellulaire délicate : elle doit se faire au bon endroit pour ne pas déstabiliser l’ensemble. Dans un article publié dans Current Biology, des scientifiques montrent que les cellules végétales utilisent des signaux mécaniques provenant de leurs voisines pour orienter leur division. En réponse à la pression interne, elles évitent les structures instables en formant des jonctions à trois parois. Une découverte clé, qui éclaire les mécanismes subtils de construction des tissus chez les plantes.

Les cellules végétales, à la différence des cellules animales, ne peuvent ni se déplacer ni se remodeler librement. Elles sont enfermées dans une paroi rigide qui les maintient en place. Ainsi, quand une cellule se divise, elle doit placer sa nouvelle paroi au bon endroit : une erreur d’orientation peut compromettre la stabilité mécanique du tissu, voire perturber le bon fonctionnement de l’organe.

La pression intérieure comme guide

Mais comment la cellule végétale sait-elle où placer sa nouvelle paroi au moment de la division ?
Dans une étude parue dans la revue Current Biology, des scientifiques apportent un éclairage inédit sur ce mécanisme. Leur découverte :  les cellules végétales « perçoivent » les signaux mécaniques envoyés par leurs voisines pour orienter leur division et choisir le bon emplacement.

Grâce à des expériences mélangeant génétique, imagerie et simulations numériques, les scientifiques ont mis en évidence un facteur clé : la pression interne également appelée pression de turgescence. Cette pression, exercée par le contenu de la cellule contre la paroi, génère des contraintes mécaniques qui indiquent à la cellule les zones les plus « sûres » pour insérer une nouvelle paroi.

La cellule évite ainsi de créer des structures instables d’un point de vue mécanique. En effet, une division idéale forme une jonction dite « tricellulaire », où trois parois se rejoignent, garantissant une meilleure cohésion du tissu. Lorsque les chercheurs ont modifié les conditions osmotiques du milieu de culture, diminuant ainsi la pression interne des cellules, ils ont constaté une augmentation de ces jonctions instables.

Les simulations numériques confirment que la pression mécanique agit comme une signature dans la paroi, guidant la division cellulaire vers les zones les plus stables.

Une mécanique de précision au service de la croissance

Ces travaux révèlent combien les plantes ont développé des mécanismes subtils pour organiser leurs tissus. En s’appuyant sur les contraintes mécaniques internes, elles parviennent à construire des structures robustes, capables de résister aux forces environnementales. Cette étude souligne plus largement l’importance des interactions entre biologie et physique dans la formation des organismes vivants.

Diviser sans se tromper : la stratégie des cellules végétales

Dynamique de la division cellulaire dans la pointe racinaire d’Arabidopsis exprimant un marqueur fluorescent permettant de visualiser le cytosquelette de microtubules (en vert) et la membrane plasmique (en magenta), observée au microscope confocal. Après perturbation des contraintes mécaniques, des jonctions cellulaires à 4 parois (exemple avec la flèche blanche), instables et rares en condition normale, se forment.

Audiodescription

Pour en savoir plus : Conserved mechanical hallmark guides four-way junction avoidance during plant cytokinesis. Gascon, E., Goldy, C., Lebecq, A., Moulin, S., Cerutti, G., Bayle, V., ... & Caillaud, M. C. Current Biology, 8 mai 2025, DOI : 10.1016/j.cub.2025.04.046

 

Contact

Marie-Cécile Caillaud
Directrice de recherche CNRS

Laboratoire

Laboratoire Reproduction et Développement des Plantes - RDP (CNRS/ENS DE LYON/INRAE)
ENS Lyon, Laboratoire Reproduction et Développement des Plantes 
46, Allée d'Italie 69364 
LYON Cedex 07 FRANCE