Développement des plantes : découverte du mécanisme de transport intercellulaire des stéroïdes

Résultats scientifiques Biologie végétale

Dans un article publié dans la revue Nature Chemical Biology, les scientifiques montrent comment les brassinostéroïdes voyagent de cellule à cellule via les plasmodesmes, des ponts cytosoliques reliant les cellules végétales. Cette découverte révèle un mode de transport des hormones stéroïdes inconnu chez les eucaryotes, offrant de nouvelles perspectives pour la régulation de l'homéostasie des brassinostéroïdes et la croissance des plantes. 

Les brassinostéroïdes (BR) sont des hormones essentielles à la croissance et au développement des plantes, tout au long de leur cycle de vie. Ils interviennent, aux côtés d'autres hormones telles que l'auxine et l'acide abscissique, dans les réseaux de signalisation cellulaire pour réguler l'adaptation des plantes à leur environnement, en contrôlant notamment la formation d'organes et la croissance des tissus. Les BR jouent notamment un rôle crucial dans la croissance des racines en régulant la taille du méristème et l'élongation cellulaire. Cependant, les mécanismes régissant les niveaux de BR dans les cellules et leur distribution différenciée dans la racine demeurent peu compris. Dans cette article publié dans la revue Nature Chemical Biology, les scientifiques ont découvert un mécanisme jusqu'alors inconnu de transport des BR chez la plante modèle Arabidopsis thaliana.

La combinaison d’approches de microscopie et de génétique a abouti à une découverte majeure : les BR et leurs précurseurs se déplacent de cellule à cellule via des pores intercellulaires appelés plasmodesmes, qui relient le cytoplasme des cellules voisines. Ce transport via ces canaux de communication que sont les plasmodesmes, permet l'établissement d'un gradient de signalisation dans la racine, permettant de moduler la signalisation cellulaire de manière différentielle en fonction de la position des cellules dans la racine. De plus, les scientifiques ont découvert que les BR sont capables de réguler la perméabilité des plasmodesmes pour optimiser leur propre mobilité. Ainsi, un mécanisme de rétroaction est déclenché en réponse aux niveaux endogènes de BR pour contrôler le débit du transport et ainsi la biosynthèse des BR en fonction de leur concentration cellulaire. Ce processus de régulation de l'ouverture et de la fermeture des plasmodesmes passe par la synthèse ou la dégradation de la callose, un sucre polymère présent dans la paroi cellulaire. Les scientifiques ont découvert que l'augmentation de la callose (induisant la fermeture des plasmodesmes) réduit la quantité de BES1 (un facteur de transcription qui régule l'expression des gènes réceptifs aux BR, indicateur de niveau de signalisation) déphosphorylé et localisé dans le noyau. À l'inverse, l'expression d'une enzyme de dégradation de la callose (induisant l'ouverture des plasmodesmes) entraîne l'accumulation de BES1 déphosphorylée, et donc une augmentation de la signalisation BR. Pour approfondir l'étude de l'interaction entre la callose et les BR, les chercheurs ont montré que l'exposition des racines aux BR actifs (brassinolide) induit le dépôt de callose au niveau des plasmodesmes et diminue le flux moléculaire entre les cellules. En revanche, l'application d'un inhibiteur des BR (brassinazole) réduit le taux de callose, entraînant une augmentation significative de la diffusion intercellulaire. C'est grâce à une collaboration avec la plateforme de microscopie France-BioImaging Bordeaux Imaging Center, que le consortium de chercheurs à développer un système permettant de mesurer la diffusion intercellulaire à l'aide d'une imagerie biphotonique et d'une protéine cytosolique fluorescente photoactivable.

En résumé, ces travaux ont permis de découvrir un mode de transport des stéroïdes jusqu'alors inconnu chez les eucaryotes, révélant que le transport intercellulaire via les plasmodesmes est essentiel pour la signalisation des BR chez les plantes. Ces découvertes renforcent l'idée que les plasmodesmes sont des centres de signalisation qui intègrent les signaux hormonaux, environnementaux et développementaux pour réguler le développement des plantes. 

Figure
© Emmanuelle Bayer
Figure : Les brassinostéroïdes, des phytohormones régulant la croissance des organes chez les plantes, ainsi que leurs précurseurs voyagent de cellule à cellule via les plasmodesmes, sortes de ponts cytosoliques reliant les cellules végétales. Ce mouvement permet de faciliter la mise en place d'un gradient de concentration de brassinostéroïdes contrôlant ainsi la division et élongation des cellules de la racine. 

En savoir plus : 
Wang, Y. et al. Plasmodesmata mediate cell-to-cell transport of brassinosteroid hormones. Nat. Chem. Biol. 1–11 (2023). doi:10.1038/s41589-023-01346-x

Contact

Emmanuelle Bayer
Directrice de recherche CNRS
Jenny Russinova

Laboratoire

Laboratoire de biogenèse membranaire - LBM (CNRS/Université de Bordeaux) 
71 Avenue Edouard Bourlaux
33140 Villenave d'Ornon

VIB-UGent Center for plant systems biology
Technologiepark 71
9052 Zwijnaarde
Belgium